Vertigo

Depuis longtemps, Alfred Hitchcock désirait adapter au cinéma les œuvres des auteurs français Pierre Boileau et Thomas Narcejac, mais il n'avait jamais réussi à obtenir les droits cinématographiques de l'un de leurs romans. Mais lorsqu'ils publièrent en 1954, le roman policier « D'entre les Morts », Hitchcock réussit à acheter les droits cinématographiques. Considéré comme une priorité, il finança et réalisa ce film qu’il intitula Vertigo. Pour le rôle de Madeleine, son premier choix fut sa favorite Vera Miles, qui déclina son invitation après être tombée enceinte. Son second choix fut Lana Turner, mais elle ses exigences furent trop onéreuses. Hitchcock se tourna alors vers Kim Novak. James Stewart a été choisi pour le rôle principal de John Scottie Ferguson, avec Barbara Bel Geddes dans le rôle de Margaret et Tom Helmore dans celui de Gavin Elster.

Vertigo est un classique du film noir hollywoodien, un mystère romantique et un thriller que l'on considère aujourd'hui comme l'un des meilleurs films de l'œuvre d'Hitchcock. L'histoire est racontée du point de vue de Scottie, un enquêteur de police à la retraite qui a quitté la police après la mort tragique d'un collègue policier. Il souffre d'acrophobie et de vertige en raison d'un trouble de stress post-traumatique. Son vieil ami Gavin l'engage pour enquêter sur sa femme Madeline qui, selon lui, se comporte bizarrement et pourrait être en danger. L'enquête offre des intrigues et des conséquences inattendues, car Scottie devient obsédé et amoureux de Madeleine. Mais les événements deviennent incontrôlables lorsque Madeleine tombe en chute libre du haut d'un clocher, dans un apparent suicide...

Le film fut un échec commercial, qu'Hitchcock et les critiques attribuèrent à la mauvaise interprétation des acteurs.
Bernard Herrmann était le choix naturel d'Hitchcock compte tenu de leur collaboration fructueuse sur The Trouble With Harry (Mais qui a tué Harry ?) et The Man Who Knew Too Much (L'Homme qui en savait trop). Herrmann a répondu favorablement en marquant sa musique par l'obsession romantique, l'isolement et la libération de la mort. Son prélude, peut-être l'ouverture de film la plus dramatique jamais offerte, est un exemple stupéfiant de musique donnant puissamment le ton d'un film.

Pour sa palette sonore, il a fourni cinq thèmes principaux et trois motifs, dont un thème mystérieux, qui offre une déclaration de quatre notes de cor d'une puissance stupéfiante, mais qui est également rendu sous des formes plus subtiles.

Le thème de Madeline offre une complexité dans ses notes, aux accents mystérieux qui évoque une romance presque intangible baignant dans l'obscurité. Herrmann a astucieusement capturé son esprit, et nous en avons un aperçu à travers les notes bien avant qu'elle ne prononce un mot.

Le thème de Carlotta évoque une harbanera (danse hispanique) séduisante, ornée de glissandi de harpe superposés, de triades de bois, de cors en sourdine, et contrée par des déclarations oscillantes de cordes chromatiques. Une Valse Romantique soutient la romance entre Scottie et Madeline et est émaillé du rythme et des sensibilités qui vont avec. Il existe deux versions de cette valse, l'une qui parle de l'amour de Scottie pour Madeline, et l'autre qui parle de son amour pour Madeline (Judy).

Pour le thème de l'amour, le morceau classique préféré d'Herrmann, Liebestod de Wagner, a été adapté avec ses propres orchestrations sensuelles. Ce thème est emblématique et fait partie du panthéon des grands thèmes d'amour dans l'art de la musique de film.

En ce qui concerne les motifs, nous avons le motif Vertigo avec son utilisation ingénieuse de glissandi de harpe en chevauchement pour nous informer du vertige de Scottie.

Le motif religieux est porté par un orgue électrique sinistre, orné de sombres figures de cordes récurrentes et accompagné d'un basson sinistre.

Enfin, nous avons l'accord de mort déclaré par le cor, un motif sinistre et prémonitoire qui accompagne la mort ou y fait allusion.

Édité aux States et en Italie par le label Mercury lors de la sortie du film, ce disque est aujourd’hui très convoité par les collectionneurs et il faudra débourser beaucoup d’argent pour l’acquérir. Heureusement, cette partition a été rééditée à de multiples reprises. J’épingle, par exemple cette édition parue en 2019 chez Varèse Sarabande.

Bernard Herrmann a compris que les films d’Hitchcock adoptaient toujours le point de vue d’un observateur tiers, détaché du récit, mais n’en étaient pas moins des véhicules pour exprimer ses craintes latentes. En tant que tel, il a composé une musique qui a étoffé la passion, la romance et la psychologie des récits obliques d’Hitchcock, rendant ainsi ses films entiers. Les cinq thèmes musicaux créés par Herrmann ont parfaitement fourni le mystère, l’intrigue et la romance de l’histoire, tout en étoffant les personnages d’Hitchcock et leurs moteurs émotionnels complexes. Son prologue puissant et dramatique, qui ouvre le film, et son thème d'amour emblématique sont des légendes, témoignages durables de son génie. Il est évident que je vous recommande fortement d'ajouter cette superbe musique à votre collection.

FilmClassic Soundtrack