Captain from Castile

Captivé par l'histoire d'amour et d’aventure du roman de Samuel Shellabarger, intitule Captain from Castile, Darryl F. Zanuck, directeur du studio 20th Century, paia la somme astronomique de 100 000 dollars pour les droits du film et engagea le réalisateur Henry King pour diriger le projet et Lamar Trotti pour en écrire le scénario, qui a connu plusieurs versions pour satisfaire la Commission Hayes et l'Église catholique, qui s'opposèrent à la description critique de l'Inquisition espagnole contenue dans le roman. King s'est entouré d'une belle distribution, composée de Tyrone Power (Pedro de Vargas), Jean Peters (Catana Pérez), Cesar Romero (Hernán Cortéz), Lee J. Cobb (Juan García), John Sutton (Diego de Silva), Antonio Moreno (Don Francisco de Vargas) et Thomas Gomez (le père Bartolomé de Olmedo).

En 1947, lorsque le film est sorti, les critiques furent mitigées et au final, il n'a reçu qu'une seule nomination aux Oscars, celle pour la meilleure musique de film. À l’époque, Alfred Newman était directeur musical à la 20th Century Fox et devait choisir entre Captain from Castile et Forever Amber. Il confia à David Raksin Forever Amber … et s’occupa de l’autre projet.

Newman a compris que le film nécessitait des couleurs brillantes et une grande envergure. Il a aussi discerné qu’il devait transmettre les auras traditionnelles castillanes, ainsi que celles de la culture indienne autochtone des Aztèques. Il passa beaucoup de temps à faire des recherches sur les idiomes historiques et traditionnels espagnols et recruta à nouveau le célèbre guitariste Vicente Gomez, avec qui il avait déjà travaillé sur Blood and Sand (Arènes sanglantes). En ce qui concerne les Aztèques, Newman a découvert que, comme les Chinois, ils utilisaient une gamme pentatonique (1)

Pour sa partition, Newman s'est appuyé sur des leitmotivs dans la plus pure tradition de l'âge d'or. C’est ainsi qu’il a fourni une multiplicité de thèmes de qualité. Deux thèmes sont associés à Pedro. Le premier et le plus important est le ‘thème de Pedro’, qui lui sert d'identité. Audacieux, entraînant et propulsé par de fiers cors français, aux auras castillanes, il est le thème principal de la partition. Lorsqu'il se bat, un thème de combat secondaire, porté par les cordes furioso, qui ajoute de l'énergie vital et traduit parfaitement bien son héroïsme.

Cortéz est associé à quatre thèmes étonnants. Le thème de Cortéz est fier, martial et porté par une cornemuse aristocratique. Le thème des conquistadors est une identité martiale de 12 notes qui rend parfaitement compte de leur nature guerrière. Le thème de l'appel aux armes est de nature régimentaire classique déclaré par les cors. Enfin, le thème de la conquête est un thème d'une telle brillance et d'une telle magnificence qu'il mérite l'immortalité de Newman. Il s'agit d'une marche victorieuse, qui capture l'esprit irrépressible de Cortéz et propulse son désir : la conquête des Aztèques. Propulsé par des déclarations de cor castillan et des percussions cinétiques, le thème s'élance glorieusement avec une énergie entraînante et inspire et irrésistible.

Il y a également des thèmes, plus mineure. Celui de Juan est porté par de tristes phrases de cordes répétitives, qui nous informent que sa vie a été dure, peu satisfaisante, et qu'il n'est pas en paix puisque De Silva a torturé sa mère.

Le thème du père Bartolome est empreint d'une aura religieuse classique, portée par des cors nobles et des cordes pleines d'énergie.

Le thème de la cité d'or fait allusion au Nouveau Monde et à son légendaire trésor d'or. Il évolue au cours du film, émettant d'abord une aura éthérée et rêveuse, puis devient plus dramatique et plein d'espoir avec des déclarations audacieuses des cors.

Des instruments ethniques nativistes portent le thème aztèque, qui était nécessaire pour évoquer leur identité, et offrent un contraste avec les thèmes espagnols. Les flûtes en bois, les tambours et les cors créent un paysage sonore exotique qui reflète parfaitement l'esprit des Aztèques. Il convient de noter que le thème passe d'une ambiance pastorale, paisible et accueillante à une ambiance alarmiste et militante, à mesure que les Aztèques considèrent Cortéz non pas comme un explorateur, mais comme un conquérant.

Pour la romance de l’histoire, Newman a utilisé trois thèmes : le Catana's Theme est tendre, gentil et introduit par un hautbois solo, et sert souvent de prélude au thème d'amour, qui est probablement l'un des plus beaux de Newman. Il est chargé de cordes, abondant en rythmes castillans et orné de guitare.

À l'opposé des thèmes susmentionnés, nous avons le thème de De Silva, l’ennemi juré de Pedro. Les cors sombres renforcent sa menace maligne, qui est émise comme une marche sinistre. Le thème de l'Inquisition est souvent lié au thème de Silva dans une synergie maléfique. Il s'exprime sombrement sous la forme d'une sinistre marche funèbre.
Le thème de la persécution est intrinsèquement lié aux victimes de l'Inquisition, en particulier à la famille de Pedro. Il offre une mélancolie insupportable, une tristesse tragique qui ne peut être apaisée. Enfin, le thème des conspirateurs, porté par des bois sombres et informes, anime la mission cubaine chargée de coopter l'expédition de Cortéz.

Édité lors de la sortie du film dans un coffret 78 tours par le label Majestic, puis réédité l’année suivante par Mercury Record, cette partition est sortie pour la première fois en 33 tours (25 cm) en 1952. Inutile de vous préciser que ces éditions décrites sont actuellement largement épuisées et jalousement gardées par ceux qui les possèdent. Durant les décennies suivantes, d’autres éditions ont vu le jour, mais je voudrais attirer l’attention sur celle parue en 2003 par Screen Archives Entertainment. Le contenu de ce triple CD est presque complet et la quasi-totalité est en stéréo à l'exception du Main Title, qui offre un son monaural. La restauration est bonne, mais le lecteur est averti qu’il n'atteint pas la clarté immaculée des enregistrements modernes actuels.

Pour sa partition, Newman a fourni une multiplicité de thèmes raffinés qui ont donné vie aux personnages. Il a également catalysé des émotions puissantes et établi de manière experte le cadre du film et l'époque à laquelle il se déroule. La façon dont il a augmenté ses thèmes et créé des interactions et des juxtapositions est du plus haut niveau. Sa musique élevait le film, renforçait sa narration, et scène après scène, réalisait une confluence remarquable. Je pense qu'il s'agit de l'une des meilleures partitions de Newman et d'un exemple resplendissant de l'âge d'or hollywoodien. Que vous l’ayez ou pas (encore), je vous la recommande vivement.

(1) Des preuves archéologiques ont également révélé qu'ils utilisaient des flûtes, des tambours, des sifflets et des hochets de calebasse en bois.

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