Masada
Intrada Special Collection Volume ISC 468

Avec le succès de Shogun en 1980, ainsi que les suicides en masse à Jonestown, en Guyana en 1978 (les médias de l’époque ont souvent mis en parallèle ces événements avec Masada), les studios NBC ont pris la décision de réaliser Masada. Pour cela, ils ont engagé Boris Sagal, un réalisateur expérimenté dans les séries télévisées ainsi qu’un casting solide composé de Peter O'Toole, Peter Strauss, Barbara Carrera, Anthony Quayle, et d’autres encore ...

Péplum au budget colossal ($ 20 millions), cette mini-série en quatre parties est un récit romancé du siège historique de la citadelle de Masada en Israël par des légions de l'Empire romain. Le siège a pris fin lorsque ces derniers ont pu pénétrer dans la forteresse, pour découvrir le suicide collectif des résistants juifs dont la défaite était imminente.

Masada se présente comme une œuvre d’une modernité exquise sur de vieilles bannières folkloristes d’une tradition juive que Jerry Goldsmith avait déjà explorées dans d’autres séries télévisées telles que celles de The Going Up of David Lev en 1973 et QBVII l’année suivante. Mais Goldsmith ne s’est pas arrêté-là. Il a composé d'autres thèmes narratifs. Le premier fait référence à un hymne, le thème de Masada qu’on retrouve sur la séquence ‘Main Title’ (CD1 : Part 1-1), qui après une quarantaine de mesures s’éteint pour être réduit à une seule ligne dramatique.

On retrouve cet hymne dans une autre séquence. Adoptant des timbres ethniques dans ‘The Moabites’ (CD 1 : Part 2-17), celle-ci finit par dériver en marche élégiaque pour souligner la condition opprimée du peuple juif, dominé au fil des siècles.

Le second thème, ‘The Slaves’ (CD 1 : Part 2-25) est une pièce mémorable et sincère entrelacée sur des contrepoints en arabesque et qui finit par dériver en marche élégiaque pour souligner la condition opprimée du peuple juif, dominé au fil des siècles par des cultures ancestrales telles qu'égyptienne, babylonienne ou romaine. Goldsmith, conscient du matériel de départ accrocheur, montre à travers les deux concepts le sentiment de fierté des Zélotes qui, en rébellion contre l’oppresseur romain, choisissent le suicide à la capitulation.

Pour l’armée romaine, dirigée par le général Cornelius Flavius Silva, Goldsmith ajoute une troisième ligne narrative consistant en une marche pour cuivres et percussions qu’on retrouve dans ‘Roman March’ (CD 1 : Part 1-11). D’autre part, cette séquence est richement orchestrée en contrepoint au thème de Massada dans ‘Move On’ (CD 1 : Part 2-16) qui, curieusement, sonne assez loin de l’épopée qui entoure le matériel construit pour les Zélotes.

Habilement, Goldsmith usurpe tout trait héroïque des conquérants qui sont même privés de référence musicale lorsque l’action se déplace dans la Rome de Vespasien. La dictature n’obtient pas de score, bien que son masque violent ait une réflexion importante dans la partition à travers une musique irrationnelle d’origine stravinskienne claire, comme les staccato dans la séquence ‘The Granary’ (CD 1 : Part 1-6), qui étrangement nous rappelle les charges à cheval dans une autre composition bien connue de Goldsmith, intitulée The Wind And The Lion’ (fr : Le vent et le lion).

‘Burning City’ (CD 1 : Part 1-2) et ‘The Return’ (CD : Part 2-15) valorisent, non seulement la sauvagerie, mais aussi une certaine précision qui se démarque par sa clarté. Ces séquences sont caractérisées par la suprématie des instruments à vent et des cuivres sur une représentation minuscule de corde.

Bien que Masada représente un drame historique, sillonné de dissonances et de désolations, Goldsmith a introduit un grand thème amoureux qui souligne des inévitables sous-intrigues romantiques, celles dédiées au mariage d’Eléazar et Miriam ou à celle du général Silva et de l’esclave Sheva.

Ainsi, ‘Nothing To Worry About’ (CD : Part 1-4) offre une mélodie chaleureuse de lignes descendantes soutenues par des hautbois, harpe et violons qui s'achève dans un murmure. Je précise qu’elle émerge avec beaucoup plus de passion dans les premières mesures que ‘Nothing To Give’ (CD 2 : Part 3-3) ou ‘Make-Up for Death’ (CD 2 : Part 4-24), deux séquences qui furent supervisées par Morton Stevens, qui remplaçait Goldsmith dans la seconde moitié de la mini-série en raison de ses engagements contractuels. (1)

La collaboration de Stevens (CD 3 : Part Morton Stevens 8-14) se résume à adapter les thèmes construits par Goldsmith dans les deux premiers épisodes de la mini-série. Les quelques nouveautés font référence à l’utilisation d’harmonies plus ouvertes et à la création de nouveaux morceaux pertinents.

Notons aussi l’enregistrement de l’édition originale parue en 1981 qui figure dans le quatrième CD (1-9).
Si la composition de Goldsmith est remarquable, cette édition, bien qu'exagérément complète, finit par plonger l’auditeur dans une lassitude de deux heures et demie de musique. De plus, elle révèle une qualité interprétative inférieure de l’orchestration par rapport au réenregistrement réalisé, il y a quelques décennies, par Goldsmith à la tête de l’Orchestre philharmonique national pour le label Varése.

Au final, Jerry Goldsmith, pleinement conscient du drame historique qui s’était passé il y a 2000 ans, s’est brillamment acquitté de sa mission en traduisant, à travers sa partition, le sentiment de fierté des Zélotes qui, en rébellion contre l’oppresseur romain, choisissent le suicide à la capitulation.

C’est bien entendu une musique de film que je conseille à tous, mais est-il nécessaire de se précipiter sur cette version longue, trop longue ? Peut-être est-il encore possible d’acheter une édition plus simple (LP ou CD) chez certains disquaires de seconde main. C’est à chacun de voir !

(1) Entre autre, l’enregistrement de ‘nchon et Outland.

FilmClassic Soundtrack