Même après trente ans, ‘Indiana Jones and the Temple of Doom’ reste l’un des films d’action les plus emblématiques et les plus aimés des années 1980. Plus sombre et plus effrayant que son premier Opus, ‘Raiders of the Lost Ark’, le film de ‘Steven Spielberg’ fait revenir ‘Harrison Ford’ dans le rôle du professeur, archéologue et aventurier ‘Indiana Jones’, dans une aventure, impliquant des enfants disparus, d’anciennes pierres mystiques censées avoir des pouvoirs magiques et un culte terrifiant qui vénère la déesse hindoue Kali.
Le film a été un énorme succès commercial, terminant le troisième film le plus rentable de 1984 avec un brut ajusté à l’inflation de près de 436 millions de dollars, et a reçu deux nominations aux Oscars, dont une pour sa partition par ‘John Williams’.
Ce film marqua la septième collaboration entre ‘Spielberg’ et ‘Williams’, exactement dix ans après leur première (The Sugarland Express - 1974). Comme on peut s’y attendre, la partition est un mélange d’action-aventure, rempli à ras bord de thèmes mémorables, d’orchestrations riches et vives, ainsi que d’une écriture d’action étincelante. De plus, compte tenu de la nature du film, la partition est également nettement plus sombre que son prédécesseur, empiétant souvent sur le territoire de la musique d’épouvante, tandis que les lieux chinois et indiens prennent vie avec quelques allusions de bon goût aux traditions musicales des cultures. ‘Indiana Jones & the Temple of Doom’ a été écrit à la fin de ce qui est, sans aucun doute, la période la plus fructueuse du compositeur (1975 à 1984), lorsque Williams a écrit la majorité de ses partitions emblématiques, comme ‘Jaws’, ‘Close Encounters of the Third Kind’, ‘Star Wars’, ‘Superman’, ‘The Empire Strikes Back’, ‘E.T’....,
Toujours adepte du style d’un leitmotiv dans l’écriture de plusieurs thèmes pour les personnages et les concepts dans chaque partition qu’il écrit, ‘Williams’ a construit sa partition autour de la marche familière des « Raiders » pour le personnage d’Indiana Jones’, mais l’a développée avec trois nouveaux thèmes de personnages majeurs : Un thème d’amour pour ‘Indy et Willie’, un autre pour ‘Short Round’, et un dernier pour les enfants esclaves au centre de l’histoire. De plus, il a ajouté un certain nombre de motifs récurrents plus petits pour d’autres aspects thématiques, comme le palais de 'Pankot'.
Fait inhabituel, la partition s’ouvre en fait sur une chanson, une version luxuriante orchestrée de ‘Anything Goes’ (Séquence 1). Sans m’égarer dans l’historique de cette chanson, sachez qu’elle est issue d’une comédie musicale américaine créée à Broadway en 1934, par ‘Cole Porter’. Pour le contexte du film, elle est interprétée en chinois mandarin par ‘Kate Capshaw’, et chorégraphiée à l’écran comme une routine de danse de paillettes et de glamour à la « Busby Berkeley / Esther Williams », un moment très amusant.
Après ce bref détournement sur Broadway, et une période de tension, voici ‘Fast Streets of Shanghai’ (Séquence 4), qui présente une interprétation héroïque de la marche des ‘Raiders’. C’est le genre de choses qui ont rendu ses scores si étonnamment brillants. Dans chaque cas, ‘Williams’ a des sections de l’orchestre qui jouent les unes contre les autres en mode appel et réponse, en combinaison avec des rythmes denses et complexes qui se déplacent autour des joueurs, et des touches instrumentales flamboyantes.
Une fois que l’action se déplace de la Chine vers l’Inde rurale, l’idiome de la musique change légèrement pour prendre en compte plus de variations régionales; des sitars, des tambours tabla et des saveurs plus stéréotypées « indiennes » pimentent la partition, identifiant ainsi le nouveau cadre géographique du film.
Nous obtenons une première performance éphémère du thème d’amour hollywoodien classique de ‘Willie’ dans ‘Map / Out of Fuel’ (séquence 5), avant qu’un autre moment d’action-aventure ne vienne par le biais du ‘Slalom On Mt. Humol’ (séquence 6).
L’intrigue principale du film est le mystérieux palais de ‘Pankot’, où l’accueil, apparemment bienveillante, d’un maharadjah enfantin masque la terrible vérité du lieu : La recherche des pierres sacrées de Sankara, d’anciens rochers censés détenir des pouvoirs magiques et que les enfants des villages environnants, sont utilisés comme esclaves dans une énorme mine, pour extraire le minerai, qui servira à la construction d’un temple, dédié à la déesse maléfique ‘Kali’.
Si au début, tout est amusant et ludique; le voyage du village indien au palais de Pankot a un sens de l’anticipation à l’aventure à venir, principalement par le biais d’un nouveau motif de fanfare pour le palais lui-même qui apparaît pour la première fois dans ‘The Scroll / To Pankot Palace ’(séquence 8b). La suivante, ‘Nocturnal Activities’ (séquence 9) donnent une première représentation complète du thème de ‘Willie’, un lavage de cordes hollywoodiennes et de mélodies, entrecoupées de séquences de cordes pizzicato et de violoncelles.
Alors que nous avançons dans le film, les choses deviennent beaucoup plus sombres. Les héros intrépides s’aventurent au plus profond du palais, découvrent son sombre secret et doivent faire face à sa réalité cauchemardesque.Pour illustrer cela, la séquence ‘Bug Tunnel / Death Trap’ (séquence 10) est l’une des rares incursions de ‘Williams’ dans la notation d’horreur pure.
Mais le pire est encore à venir car, dans ‘The Temple of Doom’ (séquence 13), où nous entendons le chant démoniaque frénétique des membres de la secte indienne, alors que leur terrifiant grand prêtre, ‘Mola Ram’, sacrifie l’un des leurs à la déesse.
Dans ‘Approaching the Stones’ (Séquence 11), le motif à base de sitar pour les pierres de Sankara elles-mêmes, qui a été brièvement évoqué plus tôt dans ‘The Scroll’ (séquence 8a) prend vie comme un énorme éclat choral.
Plus tard, ‘Children in Chains’ (séquence 12) fournit la première performance tangible de la « Marche des enfants esclaves ». Une partition persistante et roulante qui exprime à la fois le découragement et l’espérance. La façon dont ‘Williams’ parvient ici à accomplir cet exploit d’émotions juxtaposées témoigne de son habileté.
Alors que la partition se construit vers sa finale, ‘Williams’ structure sa partition autour de nombreuses performances de ces idées de base, en les peaufinant si nécessaire. C’est le cas avec ‘Short Round Escapes’ (séquence 14) et ‘Short Round Helps’ (séquence 17) qui comportent des déclarations héroïques de son thème, compensées par des performances en fanfare de la « Marche des enfants esclaves ».
Ce dernier thème émerge dans une performance de concert à part entière d’une grande puissance orchestrale avec la ‘Slave Children's Crusade’ (séquence 16), l’un des points forts de l’ensemble de la partition. On entend de brefs sursauts de la marche des « Raiders » qui s’infiltrent pendant les moments de note spéciale, tandis que l’écriture d’action accessoire continue d’être superbe, ajoutant des niveaux d’excitation et d’énergie à chaque nouvelle séquence.
Écoutez aussi l’écriture époustouflante et rapide des bois aigus tout au long de la ‘Mine Car Chase’ (séquence 8). Haletante, elle permet aux performances du thème ‘Pankot’, du thème de ‘Short Round’ et des rafales rapides de la marche des « Raiders » de rebondir sans effort sur la scène d’action.
‘The Broken Bridge / British Relief’ (séquence 21) est la séquence où l’intrigue est finalement révélé par le thème de ‘Mola Ram’ et de ses sbires, l’identifiant clairement comme le véritable pouvoir à l’intérieur du palais. Le combat intense sur le pont au-dessus de la gorge de la rivière, et la chute finale du guru dans la bouche des crocodiles en attente, est souligné avec une combinaison à haute énergie du thème « Pankot », le chant religieux, une version chorale céleste de la « Marche des enfants esclaves », ainsi qu’une touche « British » dirigé par des cuivres pour soutenir la venue du capitaine ‘Blumburtt’ pour aider ‘Indy’ à vaincre les méchants.
La performance finale de la « Marche des Raiders », de « la Marche des enfants esclaves », du thème de ‘Short Round’ et du thème de ‘Willie’ dans le concluant ‘End Crédits’ séquence 22) clôture le film.
La bande originale sortie en 1984 sous la forme d’un LP, était à l’origine assez rare. Pendant de nombreuses années, elle fut disponible que sur CD en tant qu’importation coûteuse du Japon sur le label Polydor, qui contenait que 11 séquences et durait un peu plus de 40 minutes. Heureusement pour la plus grande joie des fans, une version considérablement élargie de la partition a été éditée en 2009 chez ‘Concord Records’. Malgré son éclat, ‘Indiana Jones and the Temple of Doom’ est souvent négligé par les collectionneurs de ‘Williams’. Témoin aussi qu’il n’est pratiquement jamais joué en concert et que les fans le mentionnent rarement dans les listes de ses œuvres les plus estimées (bien que, pour être juste, il en ait tellement à choisir). Cependant, ce manque de reconnaissance est un énorme oubli à mon avis. Personnellement, je pense que cette partition est à classer comme l’une des plus grandes réalisations professionnelles du grand compositeur, et est un ajout essentiel à la collection de tous ceux qui apprécient ses manigances de haute aventure et son talent pour écrire des thèmes mémorables.
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