Et Dieu... créa la femme
Mercury ‎- 532 361-0 Universal Music France

Créateur du mythe Bardot, c'est en 1956 que Roger Vadim réalisa Et Dieu... créa la femme (And God Created The Woman). L'histoire se déroule à Saint-Tropez, où une jeune orpheline, Juliette (Brigitte Bardot), évolue parmi trois hommes qui la convoitent : Michel (Jean-Louis Trintignant), qui travaille avec sa famille sur un carénage ; son frère Antoine (Christian Marquand), plus aventureux ; et un quinquagénaire étranger, Carradine (Curd Jürgens), promoteur et directeur de boîte de nuit qui veut bâtir un casino sur la plage...

Si le film a été généralement bien accueilli par les jeunes réalisateurs de la Nouvelle Vague, il déchaîna beaucoup d'indignation, de colère et de haine pour d'autres (1). Ce sont les États-Unis qui l'ont acclamé, avant de le renvoyer en France avec une réputation sulfureuse au point que le Pape s'en est ému et ses fidèles cherchant à en interdire la projection.

Pour des raisons mercantiles, le producteur Raoul J. Lévy souhaitait confier la musique à un compositeur ayant pignon sur rue. La participation d'un musicien bien installé sur la place allait fournir de la crédibilité au projet tourné en couleur et en cinémascope. Il ne fallait surtout pas doter ce long-métrage d'un score symphonique ou d'une banale musique d'accompagnement qui l'écraserait ou qui irait à contre-courant de ce qui était attendu. Une liste de noms a été soumise au jeune Vadim, plus pour la forme que pour écouter réellement son avis. Finalement, c'est Paul Misraki qui fut choisi. Ce dernier n'avait plus rien à prouver à quiconque et qui faisait partie du patrimoine musical français. Restait a convaincre Misraki, sans doute peu désireux de se fourvoyer avec un débutant ou de risquer sa réputation en bravant les censeurs, de s'engager dans l'aventure. Mais sans ergoter, il a donné son accord et s'est attelé à la composition.

Les images réclamaient une partition légère, nourrie de l'air du temps, avec des morceaux remplis de lumière et d'énergie, tour à tour romantique et pulsionnelle. Comme tout le film tournait autour du personnage de Juliette, incarné par Bardot, et qu'il était impossible de s'en abstraire, Misraki a gavé ses orchestrations de jazz et de variété avec une aisance belle à entendre, donnant même l'impression de se fondre dans la masse des musiciens qu'on entendait à la radio et qui faisaient danser les moins de trente ans dans les boîtes de nuit enfumées.

Cha-cha-cha, valse et mambo, entrecoupé par les dialogues de Brigitte Bardot, on épinglera la très belle chanson 'Dis-moi quelque chose de gentil' interprétée par Solange Berry. Le point de cette partition est demeuré sans conteste la fameuse séquence où Juliette/Bardot se trémoussait en état de transe sur une table, encouragée par des rythmes de combo.

La musique a été éditée lors de la sortie du film en format 25 cm par Versaille en France, Belter en Espagne et en LP chez Decca Records aux States. Il est évident que ces originaux sont aujourd'hui très recherchés et sont une source de fierté pour les quelques collectionneurs qui les possèdent. Heureusement, pour les fans de Bardot ainsi que ceux qui se souviennent de Paul Misraki, Mercury Records a sorti en 2009 une copie identique de l'original français.

Sans être son meilleur score, Et Dieu... créa la femme n'en demeure pas moins un bel exemple du mimétisme d'un vrai compositeur pour l'écran, capable d'écrire une symphonie, des chansons et des tubes pour les pick-up. Ici, pas de leitmotiv. Le pari a été de draper l'ensemble de taches musicales dramatiques et d'airs qui donnaient l'impression de sortir d'un juke-box.

(1) Par exemple, aux États-Unis, le film suscita une intense campagne des Églises, au point qu'à Philadelphie des inspecteurs effectuèrent des descentes dans des cinémas pour saisir les copies au nom d’une loi interdisant les spectacles obscènes.

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