A Little Romance

C’est en 1964 que le réalisateur George Roy Hill a connu le succès avec le film d'amour The World of Henry Orient (fr : Deux Copines, un séducteur) et lorsqu'il a découvert le roman E=MC2 Mon Amour de l’écrivain français Patrick Cauvan, il a décidé qu'il était temps de revisiter le genre. Avec le scénariste Alan Burns, il élabora le scénario et se mit à la recherche des acteurs. Laurence Olivier a été engagé pour incarner Julius Edmund Santorin et donner une touche « grave » au film, ainsi que les deux adolescents amoureux, Lauren King, jouée par Diane Lane qui fait ses débuts d'actrice, et Daniel Michon, joué par Thelonius Bernard.

A Little Romance est l'histoire d'un amour entre Lauren, une Américaine de 13 ans dotée d'un étonnant QI de 167, et son soupirant français Daniel, un jeune homme de 13 ans qui aime les films hollywoodiens et les paris sur les courses de chevaux. Ils se rencontrent un jour au Château de Vaux-le-Vicomte et tombent amoureux. Leur aventure romantique commence lorsqu'ils rencontrent le septuagénaire Julius qui leur dit que s'ils montent dans une gondole à Venise et s'embrassent sous le Pont des Soupirs au coucher du soleil, alors que les cloches de Saint-Marc sonnent, ils seront amoureux pour toujours...

Le film a connu un succès commercial modeste et a reçu un accueil critique mitigé. Il a néanmoins remporté l’Oscar de la meilleure musique de film.

Le compositeur français Georges Delerue a été engagé pour le projet en raison du cadre français et de l'ambiance européenne. Delerue a compris qu'il s'agissait d'une romance de passage à l'âge adulte et a cherché à créer un paysage sonore qui évoque l'innocence, la jeunesse et l'insouciance des jeunes amoureux en herbe. Il a créé quatre thèmes principaux pour le film. Le premier, le thème principal porté par la flûte, est un coup de maître qui capture le cœur émotionnel du film. Son articulation dans le titre principal, où il est rendu dans toute son insouciance et son émerveillement, est joyeuse. Pour le thème de l'amour, Delerue a choisi d'interpoler le Concerto pour luth, violons et basse continue en ré majeur (1730) de Vivaldi, qui correspond parfaitement à sa propre musique.
Le troisième thème est celui de Julius, qui coule avec la grâce et l'élégance d'une valse. Enfin, nous avons le thème du voyageur, qui s'exprime avec la sensibilité du style classique de la Renaissance française. Ajoutons quelques passages de jazz léger et de piano solo qui complètent son paysage sonore très diversifié.

Je vous propose à présent de passer en détail quelques séquences tirées du LP sorti chez Varèse US en 1979 (1).

Le film s'ouvre sur un montage de scènes où l'on voit Daniel dans un cinéma en train de regarder un certain nombre de films hollywoodiens classiques. En quittant le cinéma, il vole une photo de Robert Redford sur le présentoir et s'enfuit, poursuivi par le propriétaire du cinéma. Il s'échappe et, alors qu'il court dans les rues de Paris, Delerue introduit son étincelant thème principal dans Main Title’ (A1), qui le ramène à la maison avec de délicieux solos de hautbois et de clarinette. Ce morceau est un merveilleux point fort de la partition, qui met parfaitement l'ambiance.

Dans ‘Love's Not Like That’ (A2), Daniel charme Lauren alors qu'ils déjeunent au Château de Vaux-le-Vicomte. Elle est manifestement séduite par son assurance et sa bravoure et, après leur séparation, elle accepte de le rejoindre plus tard à la gare. Delerue nous informe de leur amour naissant par un bref énoncé du thème de l'amour. Le compositeur a compris qu'il ne s'agissait pas d'un amour adulte ardent et passionné, mais plutôt d'un amour innocent et juvénile ; l'interpolation du Largo du Concerto de Vivaldi est donc tout à fait appropriée !

‘Paris Montage’ (A3) offre une ambiance jazz légère qui permet à nos amoureux d'explorer Paris.

Avec ‘Julius Edmond Santorin’ (A4), Delerue nous offre une autre merveilleuse partition. Daniel et Lauren ont rendez-vous dans le parc du Louvre. Par hasard, Daniel fait tomber Julius dans un accident de ballon de football. Julius est gracieux et les emmène dans un café pour boire un café et manger des pâtisseries. Là, il leur raconte sa vie et, lorsque la question de l'amour est abordée, il les envoûte en leur racontant la légendaire histoire d'amour de Venise. Delerue soutient l'ambiance gentille et l'émerveillement avec une interprétation complète du thème de Julius. Cette valse gracieuse et élégante capture parfaitement le charme du vieux monde de Julius.

Dans ‘The Young Lovers’ (A5), Daniel et Lauren sortent le soir pour un rendez-vous galant et, alors qu'ils marchent dans les rues de Paris, Delerue nous gratifie à nouveau d'une interprétation tendre du thème de l'amour. À 0:59, la mélodie s'envole et s'achève sur une merveilleuse joie de vivre.

Dans ‘Off To Italy’ (A6), Lauren a convaincu Daniel et Julius de se rendre à Venise. À un arrêt de train, Julius ne revient pas à temps et ils sont bloqués. Ils font de l'auto-stop et, alors qu'ils traversent la campagne alpine, Delerue nous gratifie du thème du voyage, une délicieuse pièce baroque aussi belle que les paysages alpins.

Dans ‘Birthday Party’ (A7), Delerue évoque simplement la fête d'anniversaire de Lauren avec une ambiance de piano-bar offerte par un piano solo. La mélodie fluide soutient bien la scène sans être intrusive.

‘Outdoor Cafe / Moving On’ (A8) propose une danse italienne classique et fluide, portée par l'accordéon, le violon et la mandoline, qui soutient le café en plein air. La mélodie est contagieuse et l'on aimerait que le morceau ne s'arrête jamais.

‘A Little Romance’ (B1) offre le thème de l'amour lorsque Julius dit aux enfants de se cacher dans le théâtre jusqu'au coucher du soleil. Le thème est doux-amer lorsque Julius voit la police et se rend à ces derniers pour gagner du temps.

À Vérone, notre trio découvre qu'il fait l'objet d'un article de journal qui parle d'un scandale d'enlèvement ! Ils décident de poursuivre leur route jusqu'à Venise en utilisant un moyen de transport moins visible et se joignent donc à une course cycliste locale ! C’est ainsi que dans la séquence ‘The Bicycle Race’ (B2), Delerue soutient leur progression par une délicieuse interpolation de l'Allegro du concerto de Vivaldi. Étant donné le cadre italien, il s'agit d'un mariage parfait entre la musique et la scène.

Avec ‘The Lovers' Decision’ (B3), Lauren se désespère que tout ait été vain. Julius les exhorte à s'accrocher à leur rêve et à continuer jusqu'à Venise. Lorsque Daniel réalise qu'ils ont le pouvoir de réaliser leur rêve, il suit son conseil. Lauren, reconnaissante, court vers Daniel et, tandis qu'ils se donnent la main, avec le thème de l’amour qui soutient ce moment de tendresse.

‘Venice’ (B4) révèle notre trio enfin dans cette magnifique ville, caché plus précisément dans la cathédrale San Marco. Delerue utilise le thème du voyage et sa sensibilité de la Renaissance française, qui procure à la fois l'émerveillement et une incroyable légèreté.

‘Hiding in the Movies’ (B5) offre un indice de tension. C'est la seule fois où la partition s'installe dans le domaine du malaise. Elle soutient Lauren et Daniel qui se cachent dans un cinéma pour passer le temps avant leur promenade en gondole prévue au coucher du soleil.

Lauren et Daniel apprennent le passé criminel de Julius dans ‘No Turning Back (B6), qui offre une interprétation plaintive du thème de l'amour à la guitare, alors que Lauren et Daniel s'interrogent sur la validité de leur quête romantique à la lumière de l'escroquerie de Julius.

Dans ‘The gondola’ (B7), le soleil est presque couché et les enfants essaient désespérément de louer une gondole. Le thème du voyage, plein d'entrain, soutient leurs efforts en leur apportant l'énergie nécessaire. Le mariage de la musique avec la toile de fond des canaux et des allées de Venise est parfait.

‘Farewell ... For Now / End Title’ (B8) constitue l'apogée émotionnelle de la partition et, pour moi, son meilleur moment. La scène montre Lauren faisant ses adieux à Daniel alors que sa famille déménage à Houston. Elle lui dit qu'elle ne le reverra pas avant de nombreuses années, mais elle sait, grâce au baiser du Pont des Soupirs, que ce jour précieux viendra sûrement. Delerue offre une interprétation longue et tendre du thème de l'amour, qu'il agrémente d'une phrase B de sa propre création. Le maestro roubaisien conclut en beauté, alors que les crédits défilent, avec une interprétation délicieuse et pleine d'entrain du thème du voyage dans toute sa splendeur.

Delerue a offert aux amateurs de musique de film une partition exceptionnelle. L'interpolation du Concerto de Vivaldi tout au long du film a été un coup de maître perspicace, qui a atteint une confluence sublime avec sa propre écriture originale. En effet, dans le final évocateur, Delerue et Vivaldi ne font plus qu'un. Scène après scène, la partition de Delerue a fourni une excellente synergie, élevant l'imagerie, les personnages, l'ambiance et la narration du film. Je pense que cette partition témoigne de la façon dont une musique de film peut élever un film. La partition a remporté l'Oscar devant le chef-d'œuvre de Goldsmith, Star Trek : The Motion Picture. Je pense que cette partition est essentielle pour les amateurs de Delerue et pour les amateurs d'art cinématographique. Les copies deviennent rares, je vous encourage donc à vous en procurer une le plus tôt possible.

(1) Je précise qu’en 1979, une édition contenant plus de séquences a été édité au Japon par le label Eastworld.

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