Dès l'annonce du renvoi d'Howard Shore par la production du film cinq semaines avant la sortie mondiale, on aurait pu s'attendre à un réel désastre et ce, quel que soit le compositeur remplaçant. Mais la surprise fut totale, quant à la qualité du score final du King Kong de Peter Jackson.
Appelé en catastrophe, c'est James Newton Howard qui s'est vu confier la lourde tâche d'écrire près de trois heures et demie de musique en seulement un mois. On connaissait bien évidemment la faculté du compositeur américain d'écrire des scores puissants et efficaces en peu de temps et c'est peut être d'ailleurs ce coté 'Bankable' qui a séduit les studios.
Néanmoins, le pari était très risqué.
Mais Howard s'en sort avec les honneurs en écrivant un score à la fois mystérieux, puissant, héroïque et mélancolique.
Dès le Main Title 'King Kong', la couleur est annoncée, le thème du grand singe apparait aux cors, soutenus par des cordes, donnant un aspect fantastique. Jusque là, rien d'étonnant, le thème est simple mais efficace. Vient ensuite 'A Fateful Meeting', morceau plus léger mais qui lui aussi, fonctionne assez bien, introduisant le thème du personnage d'Ann Darrow. Le morceau, assez mélancolique, situe bien le personnage: Une actrice jetée à la rue après la fermeture de son théâtre.
'Defeat is always Momentary' nous renvoie à l'autre personnage principal du film, Carl Dennam, réalisateur raté qui vient de se faire jeter (lui aussi) par ses producteurs et qui décide de ne pas partir les mains vides...là, James Newton Howard s'amuse avec un petit morceau presque d'action, en y mêlant des influences Jazz. Petite anecdote, on retrouve ici, le thème original de King Kong, composé par Max Steiner, ce qui n'est pas un hasard puisque les personnages y font allusion à ce moment là.
Nous passerons les autres morceaux, assez simples (mais toujours très efficaces) pour nous concentrer sur le septième 'Last Blank Space on the map', dans lequel Howard, s'amuse pendant plus de quatre minutes avec des sonorités ethniques qui ne sont pas sans rappeler l'inoubliable partition du même JNH pour 'The Village', un an auparavant. Mais ici, le résultat est moins raffiné, le morceau se veut violent et barbare, à l'image des scènes qu'il accompagne.
Cette tendance se confirme avec 'It's Deserted', bien que le début du morceau nous renvoie à l'Heroic Fantasy, Howard y développe son thème principal de manière majestueuse avant de revenir aux percussions.
'Something Monstrous...' accompagne l'apparition du grand singe, c'est donc tout naturellement que James Newton Howard sort l'artillerie lourde en renforçant son thème par des cuivres.
'Head Towards the animal' en revanche est un morceau plutôt décevant, assez simple, même trop simple. Les bonnes idées ne manquent pourtant pas, certains passages sont intéressants mais pas assez développés, peut être dû au manque certain de temps, on pardonnera donc le compositeur.
La véritable claque vient juste après, dans 'Beautiful'. La scène en elle même aurait pu être d'une ringardise folle, mis à part les décors sublimes. Mais JNH sauve la mise en nous dévoilant un nouveau thème, romantique et merveilleux, illustrant la relation platonique entre la belle et la bête. Le compositeur nous prouve une fois de plus, qu'il est un maître dans l'art de sublimer les émotions. Flûtes, Cordes, Harpe et Cors, maniés avec légèreté pour nous donner la larme à l'œil.
Changment de registre immédiat avec 'Tooth and Claw', une des grandes scènes du film : Kong défend sa belle en luttant contre trois T-Rex affamés, la première main tenant Ann, la seconde, allant péter la gueule des Sauriens.
Le morceaux, très aérien est mémorable: En six minutes, James Newton Howard regroupe la plupart de ses thèmes avec une maestria qu'on lui connaissait peu.
C'est dans le treizième morceau que l'on s'aperçoit de l'éclectisme du compositeur, mêlant tour à tour, passages brutaux et séquences Jazzy. Celles ci nous renvoient au New York de 1933. Bon, le morceau reste assez simple et très cliché, mais est néanmoins très agréable à l'écoute sur CD.
'Captured' est bien sûr la scène de la capture du grand singe. Malheureusement, Howard fait preuve de fainéantise ici, en délivrant une sorte de 'Tooth and Claw' allégé. On accusera donc ici aussi, le manque de temps.
La suite 'Central Park' est une reprise de 'Beautiful', mais bien plus développée, à l'instar de la séquence qu'elle accompagne, dans laquelle la relation entre Ann et Kong se développe elle aussi.
'Empire State Building' introduit la séquence finale avec beaucoup d'émotion.
Mais ce qui frappe, c'est 'Beauty Killed The Beast', suite Dantesque de plus de vingt minutes, divisée en cinq morceaux, relatant l'ascension de Kong jusqu'à sa chute mortelle.
James Newton Howard se déchaine totalement et nous offre un final à la hauteur de nos espérances, alternant entre les grandes envolées symphoniques et les complaintes sur la destinée funeste du grand singe.
Le résultat final est brillant.
Écrit, orchestré, enregistré et mixé en moins d'un mois, le score du King Kong de Peter Jackson restera mémorable, tant par sa beauté et son efficacité, que par les circonstances de son accouchement. On retiendra également les nombreux clins d'œil du compositeur à Max Steiner en reprenant certains de ses thèmes, comme le film reprend certaines scènes du film original de Merian Cooper.
On comprend alors pourquoi Howard Shore a été écarté, son style totalement différent, aurait pu gâcher l'essence même du film. Dans le journal de production, on peut entendre un aperçu du travail fourni par le compositeur canadien qui s'avère être à des années lumières de celui de son successeur, privilégiant l'action et le fantastique à l'émotion pure et dure. Le compositeur triplement oscarisé du 'Seigneur des Anneaux' semble être passé totalement à coté du but émotionnel du film. Erreur qui lui a valu sa place au profit d'un James Newton Howard inspiré et enthousiaste, qui a rempli son contrat avec brio.
Du beau travail donc, qui nous prouve une fois encore que James Newton Howard peut être autre chose qu'un compositeur 'Bankable' et qu'il est simplement regrettable qu'il n'ait jamais obtenu d'Oscar pour son travail qui s'avère être toujours très inspiré.
Un score des très bonne facture que tout bon Béophile, à mon sens, se doit de posséder.