A l'instar de Mychael Danna (L'Odyssée de Pi), Thomas Newman sait manier les sonorités indiennes comme personne ! Après Indian Palace 1 et 2, Je m'appelle Malala ou, dans une moindre mesure Skyfall, le voilà de retour pour renouveler l'exercice sous la supervision de Stephen Frears, alors séparé de son acolyte Alexandre Desplat (le temps d'un film). Un large éventail d’instruments indiens est ainsi déployé: nous pouvons notamment y reconnaître les couleurs du sitar (instrument à cordes pincées), du tabla (percussion), du santour (instrument à cordes frappées), de l'harmonium indien, du bansuri (flûte traversière indienne) ou encore des bourdons de râga (ensemble de cordes) ('Agra Gaol', 'The Munshi Returns', 'Peacock Throne' ou encore 'Gain The Ocean') qui confèrent un exotisme savoureux à l'écoute.
Sur le plan thématique, les protagonistes sont uniquement démarqués par leurs influences culturelles respectives et définis par leurs interactions émotionnelles plutôt que par un thème propre. La Reine Victoria se pare d'un classicisme cérémonial aux accents grandiloquents, où trompettes de fanfare et grand orchestre s'en donnent à cœur joie ('Ceremonial Fanfare', 'Victoria Regina' et 'The Wickedness of Children') pour rappeler l'importance de son statut royal. Son amour pour l'Inde (sa retraite à Balmoral) est exprimé par une mélodie raffinée ('Glassalt Shiel', portée par son hautbois réconfortant, sa harpe et ses cordes délicates) qui sera reprise de manière subliminale à la toute fin de l'album ('Victoria & Abdul'); célébrant par la même occasion, le souvenir d'une amitié sincère et profonde. De son côté, Abdul est (sans surprise) imprégné de sonorités indiennes, saupoudrées de quelques pointes d'électronique discrètes, comme dans 'Agra Gaol', 'The Munshi Returns', 'Unveiled' avec son solo de bansuri ou encore le très joyeux 'Peacock Throne', et ses cordes exubérantes.
Le style du compositeur reste identifiable à chaque instant, encore plus dans les moments d'émotions pures (ostinatos inspirés, cordes larmoyantes, pizzicati, hautbois réconfortant, chœurs féminins, etc). On retiendra notamment l'intensité dramatique de 'Certified Insane' ou 'The Empress of India', la délicatesse de 'Glassalt Shiel' ou 'Florence', l'envolée émotionnelle de 'Victoria & Abdul', la mélancolie de 'Banquet Hall of Eternity' et, bien sûr, un 'End Title' toujours très coloré, comme à son habitude. Thomas Newman a encore frappé !
David-Emmanuel - Le B.O.vore