A film atypique, musique atypique. C'est ce que l'on ressent à la découverte de cet album.
Puisque le récit est une vision totalement fantasmée des guerres médiques, Tyler Bates s'affranchit volontairement des convenances du péplum, de ses pompes, de son raffinement, pour proposer une musique brutale, violente, et pourtant très intelligente.
La première chose qui frappe est la présence à certains moments de guitares électriques, et pas juste quelques notes, non, un vrai déferlement. Pourquoi? Pour coller à la fureur du combat. Ponctuellement, l'effet est saisissant; on se sent pris dans l'action, et puisque la musique est au service de l'image tout comme l'histoire est au service de l'image, c'est l'image qui s'en trouve magnifiée. 'Fever Dream', 'The Hot Gates' sont les exemples les plus frappants, composant des tableaux fixes d'image et de son. 300 est une nouvelle graphique à l'origine, et ça se voit.
Pourtant, Tyler Bates se montre bien plus malin, et alors que James Horner pondait un album-péplum bien pompeux et classique pour Troie trois ans avant, Bates rappelle régulièrement que le film se passe il y a longtemps dans un monde bien plus oriental que le nôtre. Les voix féminines, longues, très longues, ne sont pas éthérées, ressemblent plus à des cris qu'à des chœurs ('The Agoge', 'Cursed By Beauty', jusqu'à devenir des chants dans 'Return A King'), c'en est presque organique. D'ailleurs le style est largement orientalisé, parfois très proche des youyous.
Parallèlement, des instruments que l'on qualifierait d'orientaux (par défaut, car n'apparaissant pas dans des musiques de péplums bien occidentaux) ressortent de la trame: clochettes, djembés, flûtes.
A titre d'exemple, 'Xerxes' Tent' reprend tout cela: guitares électriques, djembés, voix orientalisantes, le tout sur un mode très lent, presque lancinant, évoquant la langueur à l'image de la décadence de la scène.
Autre exemple, 'To Victory', qui reprend génialement toutes ces caractéristiques pour une scène de combat et le générique de fin.
A côté, il y a du bon et du moins bon, ou disons de l'audible et de l'ambient. Certains titres sont parfaitement dispensables à l'écoute (trop courts, trop ambients), et d'autres très, très bons, mais moins marqués par l'esthétique musicale propre au film. 'The Council Chamber' et d'autres très proches, préfigurent le travail de Bates sur Watchmen, sorti l'année suivante; dans ces passages plus classiques se trouvent tout de même des perles, ainsi toute la fin de l'album (à partir de 'Glory'), prenante, émouvante, noble (en adéquation avec le message qui veut être passé) en restant sobre et en évitant le cliché d'une montée finale un peu trop appuyée.
Finalement, un album déroutant, qui m'a profondément marqué par son originalité, son audace et la beauté de certains morceaux, et qui parvient à être bon sur des passages plus classiques. Toutefois, tout n'est pas forcément agréable à l'écoute seule, et peut même rebuter à certains moments (alors que c'est pour souligner l'horreur, donc c'est réussi mais pas agréable...étrange paradoxe).