Interview met Charles Ludig

LA FOLLE HISTOIRE DE CHARLES LUDIG

Faire partie du Palmashow, que l’on soit lié ou non par les liens du sang, c’est comme appartenir à une famille, non ?

Exactement ! Comme on est tous potes depuis longtemps, c’est devenu une famille. J’étais au collège avec David, j’étais pote avec lui avant qu’il connaisse Grégoire. Ils se sont rencontrés à Garancières, dans les Yvelines, dans notre village. Au tout début, il y avait beaucoup de monde en train de faire des petites vidéos amateures, comme une bande. Puis, l’effectif s’est réduit, chacun s’est un peu spécialisé. Pour ma part, je suis d’abord parti dans le son. J’ai réalisé des prises de son sur des tournages avec des pieds de micro qui pesaient une tonne. Je n’y connaissais rien du tout… Puis, je me suis mis à composer leurs musiques. Maintenant, chacun s’applique à son domaine sur d’autres tournages. Mais, quand c’est possible, on se retrouve tous sur le Palmashow…comme une famille !
N’est pas amusant de se dire que vous êtes, en quelques sorte, à l’origine de la formation du duo ?

J’avoue ne jamais y avoir pensé mais maintenant que tu le dis… Le fait que je sois pote avec David les a fait se rencontrer, c’est vrai. Du coup… j’en suis fier !
Comment avez-vous pris part à cette folle aventure ?

Je me suis mis à la musique assez tardivement, à l’âge de mes 20 ans. La première musique qu’ils m’ont demandé d’écrire, c’était « Le Rap des Prénoms » en 2006 ou 2007 - ça commence à dater un peu. J’ai bien voulu essayer. Alors j’ai fait un riff de guitare rock/rap et tout est parti de là. On a ensuite continué à faire des parodies avec des compos originales. Depuis, c’est moi qui compose toutes leurs musiques.

Quel aspect de votre collaboration est le plus stimulant ?

On se dit franchement les choses, on ne tergiverse pas. Quand ils me sollicitent pour une parodie ou un film, j’envoie mes sons puis on échange de manière très claire et naturelle. Que ce soit David, Greg ou Jonathan, ils ont tous un avis très tranché. C’est très important de ne pas s’étaler, de ne pas débattre pendant plusieurs heures. Bien évidemment, parfois ça arrive, ce n’est pas toujours parfait. Mais la franchise est essentielle. Si ce que j’ai écrit ne convient pas ou ne plaît pas, on passe vite à autre chose. Et si, au contraire, c’est cool, on va se le dire et continuer à travailler là-dessus. C’est une façon de travailler qui me stimule.



A quel degré Grégoire, David et Jonathan s’impliquent t’ils dans la conception de leur univers musical ?

Du côté de la musique, leur implication est totale. Sur Les Vedettes par exemple, on a discuté du score tous les trois avec des avis différents. Pareil pour la parodie d’Amir « Je Vous Like » et la chanson « Besoin de Chanter (Simplement Dan) » ou les jingles de « Et Tu Chantes Chantes » et « Le Prix à Tout Prix ». Je leur fais des propositions qu’ils écoutent et ils me disent si ça leur plaît ou non – j’en reviens au côté stimulant de notre collaboration. Avec Jonathan, on s’entend très bien dans les styles musicaux. Avec David et Greg aussi mais d’une manière différente. Finalement, on se retrouve chacun à ramener les univers musicaux qu’on adore, à les confronter, à les mélanger pour arriver à ce qui nous plaît.

Quand vous parodiez une musique dans un sketch ou dans un film, craignez-vous que votre personnalité se retrouve diluée dans le style de l’artiste dont vous vous inspirez ?

La référence de base, c’était de ne pas imiter Le Festival Roblès sur NRJ - avec Greg, on adorait leur album « Ben Mon Cochon ». Ils produisaient des parodies musicales où l’on chantait le même air sur la même musique. On ne veut pas se contenter de reprendre la musique instrumentale de l’artiste qu’on parodie et de chanter par-dessus. Ce qu’on aime faire, c’est imiter le même style mais d’une manière différente. Il faut faire « pareil mais différent ». Par exemple, si tu écoutes « Djadja », la parodie d’Aya Nakamura, tu te dis : « c’est la même chose mais pas tout à fait ! ». Pour y parvenir, j’écoute le morceau original plusieurs fois, je tente de suivre le même rythme, j’essaie des accords. En général, ces musiques n’en ont pas beaucoup, c’est assez facile de jouer là-dessus. Pareil pour Greg et David au chant : ils dévient de l’original pour y revenir et s’en écarter de nouveau. Souvent, quand on parodie un morceau, on se rend vite compte qu’il y en a vingt autres qui lui ressemblent. Les gens oublient qu’un morceau écrit il y a 20 ans existait déjà il y a 25 ans. Il n’empêche que l’on hérite de très bons tubes ! Et pour répondre à ta question : je dirai que je fournis autant de travail pour une parodie comme « Je Vous Like » qu’un morceau qui sort de mes tripes comme « Besoin de Chanter (Simplement Dan) » dans Les Vedettes. Mais c’est dans ce type de création pure, avec des influences ou non, que je ressens le plus de « kiff » personnel.

PREMIERS PAS AU CINÉMA

Quels sont vos références en matière de musiques de films ?

J’écoute beaucoup de musiques de films depuis tout petit. Au collège, mon walkman en était rempli, parmi une sélection de rap français et de hard tech. J’adore Vladimir Cosma, Thomas Newman, Ennio Morricone ou John Williams – j’écoute Star Wars régulièrement. Ce qui est fort, c’est qu’à chaque fois, ce sont de nouvelles compositions incroyables qui sont créées alors qu’il en existe déjà tellement. Dernièrement, j’ai adoré la musique d’Alexandre Desplat dans Les Frères Sisters. En général, chaque compositeur arrive à écrire de bonnes partitions, ce sont plutôt les films qu’il m’arrive de ne pas aimer…

En 2016, La Folle Histoire de Max et Léon marquait votre première incursion cinématographique. Qu’est-ce que cela impliquait musicalement ?
Max et Léon était un film d’époque, on est donc parti sur une musique orchestrale. Au début j’avais un peu peur, je n’avais jamais essayé ça. Je suis capable de faire de l’orchestration sur ordinateur mais pas de le retranscrire avec un vrai orchestre en studio. Car pour cela, il faut réécrire la musique. Et je ne sais pas le faire. J’ai donc beaucoup travaillé avec Gisèle Gérard-Tolini, compositrice et arrangeuse, qui a écrit toutes les partitions. Je concevais toutes les parties musicales chez moi, qu’il s’agisse des pistes de violons, de cuivres et d’orchestre, puis je lui envoyais le tout. Elle me proposait des arrangements avant d’en écrire les notes. L’orchestration, c’est très pointu, il y a énormément de paramètres à prendre en compte. Par rapport aux sketchs ou au film Les Vedettes, je dirais que j’ai un peu moins collaboré avec Grégoire et David. Max et Léon a complètement changé la donne !
Quel meilleur souvenir gardez-vous de cette expérience ?

Ce grand moment où l’on s’est retrouvé en studio en Belgique avec l’orchestre qui jouait ma musique que j’avais imaginé trois mois plus tôt dans ma chambre. C’était incroyable ! En général, je compose seul, avec mon ordinateur, ma guitare et ma basse. Là, je voyais d’autres personnes s’emparer de ma musique. Dans la salle d’enregistrement, j’écoutais sans dire un mot, j’avais des frissons. Je me disais : « ma propre musique va être diffusée dans les cinémas ». Quel rêve !
D’ailleurs, aucun album n’est sorti…

J’espère réussir à le sortir un jour… Qu’elle vive un peu cette BO, elle est cool, je l’adore !


LA MUSIQUE A TOUT PRIX !

Dans Les Vedettes, votre musique se veut plus intimiste, introvertie et décontractée. Vous soutenez les scènes comiques en toute justesse, sans démesure, mais vous veillez aussi à marquer une connexion entre les personnages, à les rendre attachants ; c’est ce qui la rend à la fois subtile et dense. Comment travaillez-vous un tel équilibre tout en restant dans la retenue ?

C’était le but recherché ! Jonathan souhaitait une BO qui « soit là sans être là ». A un moment, on a imaginé une musique surf. J’ai alors tenté des morceaux « rock surf », seulement, ça donnait trop l’impression de sa la jouer Tarantino. Je suis donc revenu sur les riffs de guitare que j’avais imaginé en lisant le scénario. Ces trois ou quatre riffs que j’avais gardés, on les réentend tout au long du film. Plus tard, on a tout réenregistré en studio mais j’ai fait attention à garder cette sonorité « guitare grunge maison », enregistrée chez moi, pour bien coller à l’ambiance et aux personnages. Il était important de rester en phase avec eux sans trop appuyer la comédie. Certains films exigent une musique drôle, comme les pizzicatos dans les comédies américaines, mais je n’en suis pas fan… Peut-être qu’un jour je finirai par en utiliser même si ça ne me plait pas trop. Je suis plutôt type BO 90’s grunge, rap, pop rock. Avant-hier, je suis retourné voir Les Vedettes avec mes enfants, pour leur montrer – ils ont adoré. Au bout de soixante fois, j’en avais un peu marre d’y aller quand même ! C’était probablement la dernière séance et, encore une fois, j’étais plutôt content du résultat.

Le choix de l’instrumentation, très rock’n roll, donne cette impression que Dan et Steph partent en road trip, à l’aventure vers l’inconnu. Il y a cette idée de vouloir se déconnecter de la réalité, d’oser croire en ses rêves, d’envoyer tout balader. Était-ce aussi un effet que vous recherchiez ?

Je n’ai pas vraiment pensé à ça. Ou peut-être inconsciemment. Je m’en rends compte maintenant, en discutant avec toi, qu’il y a un petit moment où l’on « prend l’air » ; lorsqu’ils arrivent en van devant chez Stefan, le présentateur… C’est presque de la musique qu’ils pourraient écouter à la radio.

Cette ambiance rock band s’est -elle aussi retrouvée en studio, au moment d’enregistrer ?

Je l’ai créé, instrument par instrument, dans ma chambre. J’ai pris ma guitare, j’ai fait un petit riff, j’ai travaillé le rythme, j’ai rajouté la basse puis une deuxième guitare par-dessus, etc. Au studio, au réenregistrement, tout est décuplé. Il y avait un guitariste, un bassiste et un batteur. Comme je n’écris pas la musique sur partitions, ces musiciens qui viennent enregistrer le score doivent être capables de la reproduire à l’oreille. Alors, une fois arrivés dans la cabine, ils écoutent, ils répètent puis ils finissent par la jouer comme je l’imaginais. Ce sont des tueurs ! Ils font ça tout le temps, ce sont des cadors. J’étais ébahi ! Même si cette musique reste simple et qu’elle ne présente pas beaucoup de structures différentes, je dis respect !

Jusqu’à quel stade avez-vous suivi l’approche de la musique surf ?

J’avais écrit une vingtaine de sons cool qui ont été placés sur le film après le montage. Jusqu’à un certain stade, ça fonctionnait plutôt bien… Mais l’effet de style donné sortait de l’ambiance voulue –qu’on a réussi à avoir par la suite. C’était trop typé à l’américaine, on aurait dit que Dan et Steph allaient à la plage ! Pour les séquences dans le van, ça collait bien à l’image mais pas aux personnages. Sur 1h30, ce n’était pas possible ! J’ai quand même gardé ce côté surf quand ils pénètrent dans les plateaux de 106 Production, je trouvais que c’était un univers à part. Heureusement, rien n’est perdu lorsque que je compose, je vais garder ces sons pour d’autres occasions.
L’idée du solo de saxophone dans « Besoin de Chanter (Simplement Dan) », elle vient de là ?

Non pas du tout… J’ai toujours ce petit coup de saxo que j’ai en tête pour toutes mes musiques. Il y a un côté cheap que j’aime bien et qui était adapté pour « Simplement Dan » car il fallait une musique à la fois cool, audible mais aussi un peu naze.

SIMPLEMENT CHARLES
Qu’est ce qui a nourri la création de « Besoin de chanter (Simplement Dan) » ?

Dans le scénario, il fallait imaginer une musique pour ce clip lié à leur inscription à « Et Tu Chantes Chantes ». On a alors pensé à une musique pop, variété, dans un style que l’on peut aimer, avec plusieurs influences comme Goldman, Balavoine, Johnny ou même Michel Berger. On les reconnait dans ce coup de guitare à la Goldman ou le chant de Greg à la Johnny. Greg et David sont venus chez moi à Lyon, je leur ai fait écouter plusieurs boucles de guitares. David trouvait que celle que l’on entend au tout début du morceau ressemblait bien au personnage de Daniel, il l’a tout de suite imaginé débarquer là-dessus. Ensuite, j’ai développé le reste, les paroles leur sont venues, on a bossé l’air du chant, et voilà le résultat.
Imaginer une telle chanson accrocheuse qui tient une place centrale dans le film amène sûrement une certaine pression ?

Je pense justement que ça fonctionne quand tu ne te mets pas trop de pression… Pour le coup, je ne m’en suis pas mise. Avoir trop de pression, ce n’est pas la bonne formule. Je ne dis pas qu’il n’y en a jamais mais cette fois, je n’en ai pas eu. On a très bien bossé et, encore une fois, on est satisfaits du résultat.

Et maintenant, est-ce qu’il y a une astuce pour se l’enlever de la tête ?

L’écouter en boucle ! Ou sinon écouter du classique, ça reset un peu tout ! Mon fils de 3 ans la chante aussi, il me la réclame 3 fois par jour !
Avez-vous l’impression que cette chanson est en train de devenir culte ?

Pour l’instant, je ne m’en rends pas vraiment compte… J’ai cru voir deux ou trois remixes de gens en train de la chanter. Ça n’était jamais arrivé ! D’autres ont même réalisé un faux clip sur « Simplement Dan » au ski ! Quand les gens reprennent les choses, c’est bon signe, ça veut dire que ça tourne bien. Je ne peux qu’en être fier - et ravi - que tout le monde l’apprécie.
Le Palmashow planche déjà sur un nouveau prime. Vous êtes sûrement déjà au courant ?

On n’en a pas encore vraiment parlé car ils sont encore en phase d’écriture. Mais tout va très vite une fois que c’est lancé. Je pense m’y mettre dans le courant du printemps, d’autant plus que j’aime m’y atteler à l’avance.
Si ce n’est pas déjà fait, à quand une apparition dans les sketchs ou dans les films ?

Je joue avec ma guitare bleue au cours de l’émission « Et Tu Chantes Chantes » dans Les Vedettes. La comédie ce n’est pas mon truc mais être figurant, pourquoi pas !

Entretien réalisé par Zoom le 22/02/2022
David-Emmanuel – Le BOvore

 



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