To Kill a Mockingbird

Adapté du livre de la romancière américaine ‘Harper Lee’, To Kill a Mockingbird a fourni un scénario inconfortable et puissant sur la laideur de la pathologie culturelle qui se manifestait encore en Amérique plusieurs années après la Grande émancipation. Une lutte pour grandir dans le vieux sud à une époque où les races étaient séparées et où les Noirs se voyaient refuser l'égalité et la justice devant la loi.

L'histoire se déroule dans l'Alabama des années 30, à l'époque de la grande dépression. Il y a deux récits distincts opérant dans l'histoire. Le premier raconte celle d'un avocat veuf et respecté, Atticus Finch, joué de manière magistrale par Gregory Peck, fournissant des efforts louables mais finalement futiles pour défendre un homme noir accusé à tort d'avoir violé une femme blanche.
Le deuxième récit tout aussi important est cependant plus intime et se concentre sur les deux jeunes enfants de Finch.

Le film a été un énorme succès commercial, gagnant plus de six fois son coût de production. Il a également reçu des éloges de la critique, gagnant huit nominations aux Oscars, obtenant trois victoires pour le meilleur acteur, le meilleur scénario adapté et la meilleure direction artistique. L'American Film Institute classe le film à la 34è place dans ses 100 plus grands films de tous les temps.

Ayant gagné beaucoup d’expérience avec plusieurs grandes partitions à son actif, comme The Man With The Golden Arm (1955), The Ten Commandments (1956) et The Magnificent Seven (1960), c’est à Elmer Bernstein qu’Universal Studio confia l’accompagnement musical. Plus tard, le compositeur avouera avoir rencontré de nombreuses difficultés créatives pour conceptualiser la musique de ce récit émotionnel. Pour y arriver, Bernstein a dû se remettre de nombreuses fois en question : Que fait la partition ici ? Quel type d'ambiance dois-je créer ?

Finalement il a compris que puisque nous voyons le film à travers les yeux des enfants Scout et Jem, la musique doit également émouvoir de leur point de vue. À ce titre, il a créé cinq thèmes pour soutenir la narration de ce long métrage, notamment le thème des enfants. Ce thème central imprègne le film, et leur sert d’identité en abordant avec gentillesse leur innocence, dans un contexte résolument américain. Son articulation tout au long du film est variée, portée par un flûte solo delicato, un piano teneri haut registre ou de somptueux violons. Pour moi, ce thème est intemporel, Chaque écoute nous ramène à notre enfance et suscite en nous des sentiments de nostalgie.

De cette réalisation est née une partition qui est finalement devenue chère au compositeur et l'une de ses favoris personnels. De plus, il a été acclamé par la critique et a été nominé aux Oscars pour la meilleure musique de film, perdant finalement face au chef-d'œuvre épique de Maurice Jarre, Lawrence d'Arabie.

La réalité discographique de To Kill A Mockingbird est aussi contrastée que ses climats musicaux. D’un côté, l’enregistrement original n’a jamais été édité (à ce jour). De l’autre, Elmer Bernstein a soigné son bébé au point de nous en offrir plusieurs éditions plus ou moins complètes. D’abord pour le label AVA records en 1962 en tant qu’album officiel du film. Captées au plus près des instruments en stéréo 3 pistes, cette édition originale dispense un son très flatteur, un peu tassé, mais bénéfique. Hélas, elle est aussi la moins complète, surtout qu’un arrangement du thème principal grignote 2 minutes supplémentaires. Manque aussi à l’appel le très beau ‘Guilty Verdict’, crucial pour le récit.

En 1976, ce LP fera l’objet d’une réédition pour le volume 7 de la ‘Film Music Collection’. Produite par le compositeur et interprétée par le Royal Philharmonic Orchestra, elle fut éditée en 2500 exemplaires et est actuellement épuisée. Cet album n’a été officiellement édité sur CD qu’en 2006 par le label FSM, dans un coffret rassemblant la totalité des volumes. À défaut de faire partie d’un coffret CD onéreux, l’orchestration bénéficie d’une agréable chaleur et d’une dynamique plus large. Empreinte de sensibilité, ses tempos sont idéalement maîtrisés, très vifs quand c'est nécessaire. Son rendu global est peut-être le plus proche du film et est en tout cas le plus équilibré.

En 1991, To Kill A Mockingbird a fait l’objet d’un CD incomplet au son désastreux paru chez Mainstream Records. Ensuite, c’est au tour de Varèse Sarabande en 1997, au sein d’une série produite par Robert Townson. Elle a été enregistrée à Glasgow avec le Royal Scottish National Orchestra. Conçu comme une édition définitive, le disque Varèse Sarabande est encore plus complet, en ajoutant notamment la jolie séquence ‘Remember Mama’ (#2). Dans son cas, c’est plutôt la technique d’enregistrement qui divisera : sa captation plus spacieuse favorise la rêverie au prix d’un adoucissement du grain de certains instruments.

Intrada propose en 2014 un transfert flambant-neuf dans son coffret Elmer Bernstein: The Ava Collection. Et puis, le label européen Doxy Records sort un LP contenant de nombreux bonus.

À l’exception du CD Mainstream et sans doute quelques bootlegs, toutes les éditions citées ci-dessus sont excellentes. Leurs tempos ne varient pas dans des proportions critiques, et on trouvera en chacune des nuances appréciables : leurs différences reflètent l’évolution de l’esthétique sonore des disques autant que celle du musicien lui-même, au fil du temps.

Au travers de sa partition, Elmer Bernstein nous conte sa vision, celle avec le cœur et le recul de celui qui, trente-cinq ans après son écriture, la connaît sur le bout des doigts. Ce sentiment justifierait à lui seul l’écoute et la possession de ce disque, pour le reste… Quelle que soit l’édition, la magie intemporelle de cette musique nous relie et c’est certainement sa plus grande force.

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