How to Train Your Dragon: The Hidden World

Les musiques de John Powell forment l’une des composantes essentielles de la trilogie Dragons sans laquelle ce tour de force de l’animation n’aurait été possible. Ce constat n’a malheureusement pas été suffisant pour convaincre l’Académie des Oscars en 2011 de lui décerner un sacre dorée. Mais les prétentions de Powell ne portent aucunement sur la recherche active d’une distinction prenant la forme d’une statuette ! Sa finalité est commune à celle de son dirigeant ; le cinéaste Dean DeBlois : elle concerne l’ancrage de cette trilogie dans les mémoires cinéphiles ainsi que dans l’ère du temps. Ce qui est remarquable, c’est la liberté créative dont il a joui sur l’ensemble de ces trois films ; lui insufflant une inspiration émoustillante à l’origine de ces partitions capiteuses. Il n’y a qu’à écouter ‘Forbidden Friendship’, ‘Test Drive’ ou encore ‘Dragon Racing’ pour vérifier ! Sa musique cherche à souligner l’aspect émotionnel de l’histoire et non pas les prouesses techniques réalisées par la talentueuse équipe artistique de Dreamworks. Et comme Powell se refuse d’encourager le cinéma d’action/violence ; associé à des scores minimalistes, il se lâche au niveau mélodique dans l’animation et plus particulièrement dans la trilogie de Dean DeBlois ! Lorsque l’on écoute Dragons, on ne fait pas que se régaler, on se prend une véritable claque musicale !

Sur Dragons 3 : Le Monde Caché, le défi était de taille pour l’équipe du film et le compositeur : maintenir une stabilité dans la qualité de la narration par rapport aux précédents volets ; pour clôturer la trilogie avec éclat tout en lui conférant une identité propre. La répétition fait partie des écueils à éviter lorsque l’on surfe sur un succès cinématographique tel que Dragons pour le décliner en suites… « Sur Dragons 3, le piège aurait été de tirer des fils depuis le premier film. Je suis donc très prudent dans la manière dont je fais appel aux anciens thèmes » signale John Powell (Cinémateaser n°81). Continuité musicale oblige, il use uniquement des thèmes originels lorsque le récit l’exige, sans abus. On retrouve ainsi le thème du vol ‘Test Drive’ et de Stoic dans ‘As Long As Is Safe’, celui d’Hastrid dans ‘Armada Battle’, le thème de l’Alpha dans ‘With Love Comes A Great Waterfall’ mais aussi le thème de l’amitié ‘Forbidden Friendship’ dans ‘Once There Were Dragons’ pour les retrouvailles entre Harold et Krokmou à la fin du film. Mais ce qui suscite le plus notre intérêt, ce sont bien évidemment les nouveautés mélodiques qui parcourent l’album de Dragons 3 : Le Monde Caché…

Trois nouveaux thèmes majeurs font ainsi leur apparition et reflètent les points cruciaux du récit :

- LE THEME DE LA PARADE NUPTIALE (‘Furies in Love’) : Pour ceux qui n’ont pas vu le film, je sais que vous cherchez un moyen de vous préserver de tout spoiler mais il est impossible de passer à côté de la campagne marketing de Dragons 3… (ce qui suit peut, selon certains être considéré comme un spoiler potentiel). Un dragon femelle, vite surnommée La Furie éclaire, fait son apparition et déconcerte l’irrésistible Krokmou ! Les deux furies se rencontrent à plusieurs reprises avant de se lancer dans une danse aérienne nocturne absolument majestueuse. John Powell s’amuse avec cet aspect de l’histoire et symbolise la scène hilarante de la parade nuptiale de Krokmou par un morceau très ludique et entraînant (‘Third Date’). Celui-ci souligne admirablement le côté burlesque de la séquence par l’utilisation de clarinettes (0 :40), de flûtes traversières, de cordes et de cuivres (à partir de 4 :40 notamment) sur fond de percussions et de sonorités celtiques. L’association musique/images nous procure un grand moment d’anthologie, je vous l’assure ! Le morceau ‘Furies in Love’ ; qui illustre la danse nocturne, combine à la fois romantisme hollywoodien et action typiquement… « powellienne » : il constitue le véritable love theme Krokmou/Furie éclaire.

- LE THEME DU MONDE CACHE (‘The Hidden World’) : A l’approche de la conclusion de la piste ‘Furies in Love’ (à 2 :30), nous pouvons déjà goûter aux premières notes du thème du monde caché, un lieu légendaire constituant un véritable havre de paix pour les dragons, à l’abri de tout chasseur. Plus loin dans l’album, ‘The Hidden World’ se dévoile intégralement à l’auditeur. Il s’ouvre d’abord sur des voix enregistrées par l’islandais Jonsi (du groupe Sigur Ros) pour accompagner le spectateur dans ce lieu atypique avec un « son inhabituel …, d’un autre monde » avant de déboucher sur une envolée orchestrale et chorale grandiloquente (à partir de 2 :20). Ce thème empreint de mystère suscite notre émerveillement le plus total et je crains que les mots ne soient pas suffisants pour évoquer la beauté de cette mélodie…

- LE THEME DE L’EXODE (‘Exodus’) : Gavin Greenaway a également l’occasion de déchainer l’orchestre pour le thème lié à l’exode (SPOILER : l’abandon de Berk et la conquête d’une nouvelle île par Harold et son peuple). Un morceau épique; incroyablement dynamique, porté par des cuivres pétaradants, des percussions légères et des cordes vivaces. Soit les ingrédients classiques d’une partition de John Powell qui nous fait en pincer pour son travail !

‘The Hidden World Suite’ reprend l’ensemble de ces trois thèmes mais l’on regrette cependant son absence dans la version physique de l’album… Enfin, ‘Once There Were Dragons’ constitue le morceau d’adieu à la saga. Véritable ascenseur émotionnel, il provoque inévitablement une petite montée de larmes chez tous les amoureux des aventures de Krokmou et Harold. Chaque chose a une fin…

EN BREF : Impossible de passer à côté de l’encensement des partitions de John Powell dans les multiples reviews du film ! Il suffisait de visionner le long-métrage et de lancer la lecture de l’album sur Deezer pour s’assurer de la véracité de leurs critiques : John Powell maintient le niveau d’excellence musicale rencontré sur les deux précédents films. A l’instar d’Harold et Krokmou, sa musique évolue et se densifie dans un souci de continuité. La magnificence de ses mélodies (‘The Hidden World’, ‘Furies in Love’, ‘Exodus’ et bien entendu, les impérissables ‘Forbidden Friendship’ et ‘Test Drive’ qui se répètent ici) risque de nous hanter pendant un certain temps ! Malgré le répertoire musical annoncé pour 2019, John Powell avait déjà placé la barre trop haute pour être surpassé !