Star Trek Into Darkness
The Deluxe Edition

De la même manière que pour la B.O. du premier film sobrement intitulé Star Trek, l'éditeur spécialisé Varèse Sarabande sort l'édition deluxe de la B.O. du deuxième sensiblement un an après.

Star Trek Into Darkness, vraisemblablement l'un des meilleurs blockbusters de l'année 2013, voit donc sa musique faire l'objet, depuis le 28 juillet 2014 d'une édition double CD composée de pas moins de cinquante-et-une pistes soit près de deux heures de films. Rappelons que l'édition simple, sortie en même temps que le film, bien qu'excellente, ne comportait que quinze piste pour quarante-cinq minutes de contenu.

Une nouvelle fois, là est l'occasion de saluer l'extraordinaire travail de Michael Giacchino, définitivement le compositeur du moment qui ne cesse d'ajouter de nouvelles cordes à son arc et de se faire connaître du grand public (il avait notamment reçu un Oscar pour la B.O. de Là-Haut en 2009).

Avec l'édition Deluxe de Star Trek Into Darkness qui était très attendue par de nombreux béophiles, Giacchino confirme ce statut et reprend le matériau de base de la B.O. du premier film. Inutile de préciser que le glorieux thème de l'équipage de l'Enterprise fait également son grand retour ici comme si on ne l'avait jamais quitté, l'assurance en plus.

De la même manière que la mise en scène du réalisateur J. J. Abrams est beaucoup plus posée et réfléchie, la musique de Giacchino joue la carte de l'aventure épique et renoue avec les grands thèmes de l'Âge d'Or hollywoodien et ses mélodies facilement identifiables que l'on fredonne à la sortie de la salle de ciné.

Loin de se limiter à ce qui a fait le succès de la B.O. du précédent épisode, le compositeur développe ses thèmes et les déclinent en d'infinies variations. Outre les thèmes de l'Enterprise et de Spock, il faut compter avec ceux de John Harrison, de l'amiral Marcus et des Klingons. Il était déjà possible de les entendre tous dans les quinze pistes de l'édition simple mais avec cette version deluxe, on est tout simplement gâté !

Il suffit pour cela de se pencher sur le thème de Marcus qui ne se faisait entendre jusqu'à présent que très discrètement sur une seule piste de l'édition simple ('Brigadoom' renommée sur la deluxe 'Harrison's Heart / Enter The Vengeance') et qui fait l'objet de pas moins de sept pistes sur la deluxe. Une véritable revanche pour un motif associé à un personnage stratège et belliqueux dont le vaisseau s'appelle justement le Vengeance ! Notons que la toute dernière piste du deluxe ('Ode To Vengeance') est une piste bonus de plus de six minutes dédiée à ce thème quasi-inédit. Dans une note du livret accompagnant l'édition, Michael Giacchino confesse d'ailleurs que 'Ode To Vengeance' et 'Ode To Harrison' étaient les deux pistes qu'il avait écrites en premier afin de présenter au réalisateur J. J. Abrams les thèmes qu'il avait en tête pour deux personnages-clés de l'histoire.

Les petits plats ont donc été mis dans les grands ici pour satisfaire le béophile impatient qui aura attendu près d'un an cette seconde édition en décortiquant la première pour passer le temps.

Presque rien de la B.O. de Star Trek Into Darkness n'a été oublié. Oui, vous avez bien lu : 'presque'. On va chipoter un peu car il y a malgré tout quelques oublis à savoir la fin de 'Meld-Merized' qui ne correspond pas du tout avec qui est entendu dans le film ou encore la piste accompagnant la discussion entre les deux Spock (qui permet d'entendre une glorieuse reprise du thème de Spock). Rien de fâcheux en soi et cela tient plus de la chicane mais lorsqu'une édition affiche le label deluxe, on est en droit de s'attendre au minimum à 100 % de la musique du film voire plus (pistes bonus et alternatives) et non pas 95 !

Passé cet aspect qui doit constituer le seul point négatif de cette édition, on a affaire à du très bon tout le long de l'écoute. Les pistes se succèdent et suivent dans la grande majorité l'ordre du film (à l'exception de 'Scotty's Floored'), ce qui n'est pas pour déplaire à l'auditeur compte tenu de la diversité des ambiances musicales.

Si l'action se taille la part du lion et donne lieu à des pistes déchaînées disséminées tout le long du double CD, l'émotion n'est pas en reste. Aux déjà cultes 'London Calling' et 'Buying The Space Farm' de la première édition s'ajoute 'London Falling', un morceau qui permet de dévoiler le thème de John Harrison à partir de 1:27, celui-ci bénéficiant également de sa piste dédiée en bonus à la fin du double CD ('Ode To Harrison' : pourquoi faire compliqué quand on peut faire simple ?). Son thème, de la même manière que celui de l'amiral Marcus, est extrêmement présent durant tout l'album ('Harrison Brought On Board' pour une reprise martiale du plus bel effet) et démontre une nouvelle fois le soin que Michael Giacchino a apporté dans la composition des motifs récurrents et la manière de les répartir sur l'ensemble de son oeuvre.

Les ambiances tendues bénéficient également de pistes bien senties : 'Astronomical Manhunt', 'Galactic Road Trip' (qui permet d'entendre pour la première fois le thème associé aux Klingons), 'Damage Control', 'Pull The Trigger' ... Il faut dire que la quasi-totalité des images du film Star Trek Into Darkness est accompagnée de la musique de Michael Giacchino, celle-ci épousant littéralement tout ce qui se passe à l'écran. On serait en droit de penser que l'écoute isolée de la B.O. serait en contrepartie ardue, il n'en est pourtant rien. Giacchino maîtrise jusqu'au bout des ongles son sujet et livre un travail transcendant, capable de s'apprécier tant avec que sans les images. Un véritable tour de force qui mérite d'être signalé et que le montage sonore du métrage met en évidence.

En effet, alors que les grosses productions sont de plus en plus nombreuses à mettre en avant les voix et les effet sonores par rapport à la musique, Star Trek Into Darkness donne au contraire à celle-ci un véritable rôle narratif, renforcé par l'utilisation des thèmes qui permet d'anticiper les rebondissements du scénario pour qui sait y prêter attention. 'Scotty's Floored' en est un bel exemple : alors que le spectateur et le personnage du film s'interroge sur l'identité d'un protagoniste important restant sans l'ombre, une écoute attentive du thème utilisé à ce moment précis révèle son identité.

La mise en avant de la B.O. est particulièrement flagrante dans les scènes d'action, en nombre assez élevé dans le métrage (gros spectacle oblige) et l'écriture thématique de la musique renforce le côté épique et grandiose des exploits des héros (ex. le rappel en fanfare du thème principal à la fin de 'Sub Prime Directive' quand le vaisseau disparaît en hyper vitesse dans l'espace tandis que le titre apparaît accompagné de percussions déchaînées).

Le thème des Klingons fait en outre l'objet de pistes particulièrement martiales pour la séquence où l'équipage se rend sur la planète Kronos pour coincer le fugitif Harrison. Trois pistes, trois ambiances différentes ('Galactic Road Trip', 'Klingons Chase / Meeting' et 'Harrison Attack') mais une efficacité redoutable, en écoute isolée ou sur les images. Une énième preuve de la maîtrise complète par Giacchino de son sujet et de son écriture thématique. Les réutilisations des thèmes dorénavant bien connus de Spock et de l'Enterprise, bien que présents, relèvent presque de l'arrière-plan et du minimum syndical !

Et juste pour la route, on notera plusieurs reprises au piano du thème de l'Enterprise pour toutes les fois où Kirk s'interroge (ou est interrogé) sur ses compétences de capitaine de vaisseau ('Demotion Emotion', 'So Long Scotty', 'Buying The Space Farm').

Tout ça pour dire qu'avec cette deluxe edition, Varèse Sarabande a fait du très bon boulot. Star Trek Into Darkness a enfin droit à une édition quasi-complète et, pour cette B.O. cohérente et excellente, c'était bien le minimum à faire. Michael Giacchino fait définitivement partie des grands même si, dans les cœurs de certains, cela faisait déjà bien longtemps !