La Califfa

Premier film du poète et romancier Alberto Bevilacqua, La Califfa est une production franco-italienne sortie sur les écrans en 1970. Ce film a permis à Romy Schneider de casser définitivement son image de « Sissi rose sucrée ». Dans la peau d'une Italienne, elle incarne une femme, nommée Irene Corsini, qui, lorsque son mari est tué par la police lors d'un violent affrontement au cours d'une grève, devient le leader militant d'un groupe d'ouvriers d'usine opprimés. Très vite, elle se retrouve engagée dans une lutte de plus en plus âpre avec Doberdò (Ugo Tognazzi), un ancien collègue de son mari qui est maintenant le directeur de l'usine au centre de la grève. Cependant, à l'insu des autres travailleurs, Irene entame également une relation amoureuse orageuse avec Doberdò (Giancarlo Prete) qui menace de faire dérailler sa cause…

De tous les magnifiques thèmes d'amour qu'Ennio Morricone a composés au cours de sa carrière, celui de La Califfa s’impose comme étant l’un des meilleurs. Sa présentation centrale, dans la séquence ‘La Califfa’ (#2/22), est l'un de ces morceaux qui vous font fondre. Un hautbois riche et sonore introduit la mélodie, qui dégouline d'affection romantique et de tendresse pâmée, avant de passer à un banc de cordes lyriques, pour poursuivre le morceau. Une contre-mélodie de piano subtile, presque subliminale, ajoute de la profondeur, le plus bref interlude de cors doux change la couleur du morceau, puis le hautbois revient, donnant à la relation entre Irene et Doberdò la plus douce-amère des résolutions musicales, une passion interdite qu'ils désirent tous les deux mais, qu'ils ne peuvent pas avoir.

Bien entendu, la partition présente également d'autres aspects :

Par exemple, ‘Sangue sull'Asfalto’ (#1) est un morceau dramatiquement intense qui fait appel à des cloches, à des sons électroniques durs et à un son orchestral religieux pour rendre la mort du mari d'Irene encore plus tragique. Le thème de ce morceau apparaît plus tard à plusieurs reprises, notamment dans les émouvants ‘Sotto la Pioggia’ (#4), Addio Alla Fabbrica’ (#8/21) et ‘Ricordo Di Un Amico’ (#9), où il est interprété à la guitare acoustique et soutenu par des lignes de piano stressantes.

Plus loin, ‘Requiem Per Un Operaio’ (#3) est une masse de voix qui désoriente et qui se chevauchent.

La séquence ‘Le Donne Al Fiume’ (#5/10) est une combinaison émotionnellement intense de pianos plus roulants, de bois élégants et de la soprano Edda dell'Orso, qui avait déjà montré son immense talent, deux ans plus tôt dans l’inoubliable Il était une fois dans l’Ouest.

‘La Pace Interiore’ (#6/19) est une pièce liturgique pour orgue d'église.

‘Dentro La Macchina’(#7) reprend le motif roulant du piano avec un accompagnement plus dissonant.

‘La Cena’ (#11) et ‘Prima e Dopo L'Amore’ (#14) font de même, mais avec un solo d'alto déchirant au cœur de l'œuvre.

‘L'Impatto’ (#18) est probablement la partition qui se rapproche le plus d'une musique d'action, dans laquelle une version déconstruite du thème secondaire est soutenue par des rythmes de caisse claire, des cloches qui sonnent et une mandoline qui gratte.

La partition de La Califfa a été publiée lors de la sortie du film (1970) par CBS. Incontournable dans le « canon » Morriconien, elle a été rééditée par d’autres labels, comme Screen trax en 2000, dont je me réfère, Dagored en 2005 et d’autres encore qui offrent une excellente vue d'ensemble de la partition, notamment une version élargie de Quartet Records parue en 2004, qui associe la Califfa à la musique du film La Monaca di Monza (1969).

Quel que soit votre choix, il s'agit d'une œuvre essentielle du maestro romain, avec l'un de ses plus beaux thèmes principaux. Une musique que je conseille à tout.

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