The Bad Seed

Dans l’univers hollywoodien, la figure de l'enfant est avant tout celle de la pureté. Sa présence apaise le tumulte des adultes et cristallise les espoirs placés en l'avenir. Si un certain humour, parfois méchant, pouvait à l'occasion assombrir légèrement cette image immaculée de l'enfant, jamais au cinéma les petites têtes blondes n'étaient associées à une menace quelconque. Mais l'intérêt marqué par certains producteurs pour la psychanalyse allait changer la donne.
A l'origine d’un roman de ‘William March’, ce dernier fut d’abord adapté sur les planches avant d’être adapté au cinéma par ‘Mervyn LeRoy’. Il était convaincu que rien ne devait interférer avec la singularité de l'histoire. Pour atteindre son objectif, il a engagé les acteurs principaux de la pièce joué à Broadway, déjà bien rodé dans leur rôle. A ce propos, il est intéressant de relever que le générique final fait défiler les comédiens saluant au passage les spectateurs comme au théâtre.
Mais son réalisme déplut fortement à la censure de l’époque pour sa conclusion. En effet, dans le texte original, la petite ‘Rhoda’ restait impunie pour ses crimes et continuait innocemment à jouer au piano les quelques notes « d'au clair de la lune ». Finalement c'est le scénariste ‘John Lee Mahin’, un proche collaborateur de ‘Victor Fleming’, qui modifia la conclusion de ce long métrage en incorporant une sorte de châtiment divin qui, non seulement apparaît complètement incongru dans la logique du récit, mais amoindrit aussi et surtout l'impact du film. Au nom du moralisme judéo-chrétien, il est regrettable que ‘The Bad Seed’ ne soit pas allée jusqu'au bout de son raisonnement et nous laisse avec une sensation d'œuvre inaboutie.
Alors âgé de 47 ans et fort de son expérience avec ‘Death of a Salesman’, c’est ‘Alex North’ qui se chargea de la partition de ce film. Etant innovateur avec l’introduction d’un idiome de jazz dans la musique de ‘A Streetcar Named Desire’ (voir ma critique), ce fut quand même un grand défi pour ce compositeur d’accentuer la confusion « stylistique » faite entre le symbole même de l'innocence de l'enfant et celui du mal. Pour illustrer les mauvaises actions de la fillette machiavélique, ‘North’ s’est approprié et surtout dramatisé le célèbre air de la comptine enfantine : « Au Clair de la Lune », omniprésente dans toute sa partition. Riche en dissonances troublantes, pour accentuer l’intrigue, inquiétante et dense tout au long du film, son schéma sera un exemple pour les compositions futures, comme celles de ‘Jerry Goldsmith’.
C’est le label « RCA Victor » qui, à l’époque de la sortie du film a édité cette musique mais uniquement en version mono. Aujourd’hui, ce disque figure parmi l’un des plus rares du compositeur. Moins de vingt ans plus tard (1972), il fut l’objet d’une seconde édition (Espagnol) ainsi que d’une autre non-officiel. En 1995, c’est le label Tsunami qui sortira un CD comprenant des bonus en plus. Plus proche de nous, en 2017, c’est au tour de La-La-Land de sortir cette BO.
Nominé pour quatre Oscars, mais par pour sa musique, celle-ci fabrique pourtant un habile mélange grisant de lyrisme à couper le souffle et de dissonance tranchante, créant un chef-d'œuvre musical qui intensifie toutes les tensions dans ce conte acclamé de mal mortel tapi dans un enfant apparemment parfait.

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