Touch of Evil

Lorsque ‘Orson Welles’ accepte, en 1958 d’adapter le roman ‘Badge of Evil’ de ‘Whit Masterson’, sa principale préoccupation est l’autorisation de réécrire le script en entier. Ce faisant, il a effectué un changement radical, en déplaçant notamment le cadre de San Diego vers une ville fictive nommé Los Robles, une bourgade situé près de la frontière mexico-américaine. Cette technique lui a permis d'obscurcir non seulement le thème central de la corruption policière, mais aussi les frontières littérales du lieu, du sexe, de la race et de la classe sociale.
Il avait une perception de tout dans le film, y compris sur la musique. Tout comme les personnages vont et viennent à travers la frontière tout au long de l’histoire, il voulait que cette musique soit un analogue thématique des passages frontaliers qui structure la partition en relation directe avec l'organisation narrative du film.
Dans la composition musicale de ‘Touch of Evil’, nous remarquons deux distinctions de musique : Celle de la musique diégétique (qui peut être entendu par les personnages présents dans la séquence) et celle de l’extradiégétique (dont l’origine est extérieure aux plans qui composent la séquence en question, comme une musique d’ambiance). ‘Welles’ y mettra un point d’honneur. Après tout, les rues d'une ville frontalière sont toujours bruyantes avec le son de divers haut-parleurs, diffusant depuis l'entrée des boîtes de nuit, des bars et autres cantines Mexicaines .... ?
Enfin ! Outre cette musique rock & roll omniprésente dans le film, soulignons que ‘Welles’ a essentiellement interdit la musique la plus couramment associée au Mexique. Au lieu de cela, il a proposé de remplacer celle-ci par une origine culturelle et géographique différente. Pour lui, pas question de musiques stéréotypées comme les sérénades mariachi habituels. Ici l’idée était de mettre l'accent sur des rythmes afro-cubains. C’est le cas avec la piste A1 (Main Title), un thème qui crée l’ambiance. Mais comme le soulignait le script de ‘Welles’ il était opposé à cela, parce qu’il ne voulait pas que cette partition interfère avec son plan d’ouverture de trois minutes. Avec le recul, nous constatons que sa décision n’était pas judicieuse par rapport à celle de ‘Henri Mancini’. Malheureusement, la version restaurée (1998) donne faveur au script de ‘Wells’ et n’inclut donc pas cette excellente composition. Heureusement qu’elle y figure sur le 33 tours.
Dès le départ, 'Mancini' savait que pour concrétiser les désirs de ‘Wells’, il était impossible de collaborer avec les musiciens d'Universal. Ainsi, avec l’accord de son Directeur, ‘Joseph Gershenson’, il a réuni une gamme de musiciens de jazz expérimentés aux pedigrees impressionnants.
Peu de temps après que ‘Touch of Evil’ soit sorti et vu le flop du film, les finances d’Universal Pictures étaient dans le rouge et restructuration oblige, ‘Henri Mancini’ a été licencié, se retrouvant ainsi sans emploi. Il a décidé alors de faire le tour des labels, pour voir s'il pouvait obtenir un contrat d'enregistrement pour cette BO. Si ‘Decca’ l’a refusé, c’est le tout nouveau label ‘Challenge Records’ basé à Los Angeles qui éditera sa partition en juin 1958. Véritable pépite d’or dans une collection de vinyles originaux, cette BO a été réédité en 1980 par Varese Sarabande, puis par d’autres labels. Première composition entière de ‘Mancini’ (il avait déjà auparavant collaboré sur d’autres partitions), cette musique est une curiosité que chacun, qui se revendique comme collectionneur de BO doit posséder.

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