Back to the Future

Le début de carrière de Robert Zemeckis fut assez difficile. Après avoir cumulé deux échecs commerciaux consécutifs avec I Wanna Hold Your Hand et Used Cars pourtant produit par Steven Spielberg, il devait impérativement réussir son prochain film. Ce dernier avait peur que s’il échouait une nouvelle fois, il ne pourrait continuer à travailler en tant que réalisateur. Fort heureusement, Romancing the Stone (A la poursuite du diamant vert) sorti en 1984 fut un succès, au point de se permettre par la suite un sujet plus ambitieux, celui de Back to the Future. L’idée avait déjà commencé à germer dans la tête de Zemeckis et de son scénariste Bob Gale plusieurs années auparavant, et c’est à partir de 1980 que le scénario a commencé à être écrit. Ainsi donc, le film raconte l’histoire de Marty McFly (Michael J. Fox) qui se retrouve propulsé 30 ans plus tôt (en 1955) grâce à une machine à voyager dans le temps sous forme de DeLorean inventé par le savant fou Emmett Brown, alias « Doc » (Christopher Lloyd).

L’idée de voyager dans le temps est loin d’être nouvelle, le roman 'The Time Machine' écrit en 1895 de H.G. Wells raconte lui aussi l’histoire d’un scientifique qui invente une machine qui avance dans le temps et qui par ailleurs fut déjà adapté au cinéma en 1960. Plusieurs films ont également abordés le sujet (La Jetée, Superman…), mais jamais il n’aura été aussi bien traité que dans Back to the Future. Marty se retrouve donc coincé en 1955 avec la machine et ne peut pas rentrer à son époque à moins d’injecter 2,21 Gigawatts dans la machine, chose impensable à cette époque. Comble de malheur, sa mère (âgé du même âge que lui à l’époque) tombe amoureuse de lui, et si Marty n’arrive pas à remettre ses parents ensemble, il ne naîtra pas et donc s’effacera de la réalité !

En 1981, aucun gros studio hollywoodien ne voulait de ce film, ils le trouvaient trop enfantin pour un film s'intéressant à la vie des ados. Quant à Disney, il trouvait trop vulgaire qu’une mère tombe amoureuse de son fils. Ce n’est qu’après le succès de Romancing the Stone que curieusement tout le monde voulait bien le produire… et le film fut carton plein lors de sa sortie en salle au cours de l’été 1985. C’est avant tout grâce à son scénario très intelligent et à son casting particulièrement réussi que ce film est devenu un classique dans le genre. Il est impératif de visionner de nombreuses fois le film afin d’en cerner chaque détail, on se rend compte à ce moment-là de la richesse du scénario et de la réalisation. En résumé, un chef d’œuvre du septième art que tout le monde se doit de connaître si par hasard ce n’est pas encore fait.

La musique est elle aussi devenue culte dans le domaine de la musique de film grâce à son inoubliable thème principal dégageant une énergie et un enthousiasme sidérant. Même ceux qui ne se sont jamais intéressé une seule seconde à la musique de cinéma pourraient fredonner ce thème tant il est marquant à la simple vision du film. Ce thème, nous le devons au désormais célèbre Alan Silvestri, âgé à l’époque de 35 ans. Le compositeur venait tout juste de finir la partition de Romancing the Stone, une musique très synthétique et présentant pas mal de défauts. Absolument rien ne laissait présager le score de Back to the Future qui allait suivre un an plus tard. La collaboration Zemeckis-Silvestri bien connu aujourd’hui doit sans aucun doute beaucoup à ce film. Alors qu’Alan Silvestri arrive sur le lieu de tournage (ce dernier avait au préalable visionné quelques minutes du premier montage), il propose au réalisateur deux façons de procéder, soit la manière contemporaine, soit la manière risquée. Zemeckis voulait une bande sonore spéciale et imposante qui donnerait de la grandeur au film. Silvestri a donc usé du bon vieil orchestre symphonique de 98 musiciens (un record pour l’époque selon Universal Picture) et s’est visiblement montré très inspiré par le sujet. A noter qu’à la sortie du film, la B.O. ne comptait que 2 pistes de musique originale au milieu de morceaux populaires des années 50-80 présents dans le film. C’est en 2009 qu’Intrada eut l’excellente idée de produire le score entier (bien qu’il y eut déjà quelques versions un peu moins complètes précédemment, je possède d’ailleurs une de ces versions là mais pour plus de facilité, j’emploierais les titres des musiques de la version Intrada).

« Attention spoilers ! »

Le thème principal n’est pas le seul point fort de l’album. Le compositeur a également donné des thèmes (ou plutôt des sonorités) aux principaux éléments du film. Avant tout, la DeLorean (présenté dans 'DeLorean Reveal') est symbolisée avec un synthétiseur aigu et mystérieux tout en sonnant relativement moderne. On retrouve cette ambiance dans '55’ Town Square' et 'The Delorean Retrieved'. Doc possède lui aussi sa propre mélodie présente dans 'Einstein Disintegrated' et '1.21 Jigowatts'. L’hyperactivité et la folie du scientifique est parfaitement retranscrit avec cette succession de notes sautillantes que les cuivres (souvent employés avec une sourdine) et les cordes s’échangent entre elles. On pourra relever également une succession de trois notes synthétiques descendantes qui reviendront incessamment dans le film pour donner un aspect fantastique et magique.

Premier grand morceau d’action, ''85 Twin Pines Mall' débute avec un ostinato de cuivre et des percussions presque militaire. Le morceau gagne peu à peu en intensité jusqu’à ce qu’il s’emballe, se transformant en un intense morceau d’action. On remarque alors l’utilisation d’un piano donnant du punch à la musique, qui fera une apparition dans la plupart des morceaux actifs. Puis le thème principal éclate avec enthousiasme dans un pur moment de bonheur. A la fin, l’orchestre semble totalement se perdre juste avant le voyage à travers le temps ; une bonne idée malheureusement sous-exploité dans la suite de la trilogie.

On ne passera pas non plus à côté de la course poursuite en skateboard dans 'Skateboard Chase' avec une fabuleuse reprise du thème principal, tout comme 'Marty's Letter' qui le reprend de manière plus posé avec une flute.

On en vient au grand moment du score : 'It's Been Educational Clocktower', long et intense morceau d’action qui accompagne la scène où Marty tente de retourner dans le futur. Avant tout une montée en puissance du thème principal encore une fois soutenue par des rythmes de caisse claire. Puis cette introduction laisse sa place à la panique avec un coup de cuivre, alors qu’un câble en haut de la tour vient de se débrancher. Les rythmes deviennent plus irréguliés et les violons d’avantages affolés. La deuxième partie du morceau est un des plus grands moments symphoniques que j’ai pu entendre dans ma vie. Peu à peu, le morceau gagne en intensité avec l’apport de cuivres toujours aussi bien menés. Le thème principal fait une apparition progressive. Au début suggérer par quelques notes, il prend peu à peu une place de plus en plus importante jusqu’à ce qu’il nous explose à la figure violemment. Ce morceau est bien le grand moment de l’album !

L’album se conclut avec 'Doc Returns' alors que le film laisse envisager une suite probable (non confirmé à l’époque). Et le mythique thème principal revient une toute dernière fois.

Que dire de plus lorsque l’on est face à un tel monument ? Montrant une maîtrise particulièrement impressionnante de l’orchestre notamment dans les morceaux d’actions tous plus entraînants les uns que les autres, Alan Silvestri a montré ses talents au grand jour, et s’est révélé comme étant un des compositeurs les plus prometteurs de sa génération, bien plus prometteur que John Williams au même âge. Que d’émotion à chaque fois que le thème principal se fait entendre ! Je le considère d’ailleurs comme étant un des plus grands thèmes du cinéma à ce jour (au côté d’Indiana Jones et Star Wars). Un mythe de la musique de film tout simplement. Maintenant, Alan Silvestri va-t-il poursuivre dans cette perfection pour les deux volets suivants ?